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L’alibi Idéal
Blake Pierce


Un thriller psychologique avec Jessie Hunt #8
«Dans ce chef-d’œuvre de suspense et de mystère, Blake Pierce a magnifiquement développé ses personnages en les dotant d’un versant psychologique si bien décrit que nous avons la sensation d’être à l’intérieur de leur esprit, de suivre leurs angoisses et de les encourager afin qu’ils réussissent. Plein de rebondissements, ce livre vous tiendra en haleine jusqu’à la dernière page.». –Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (à propos de Sans Laisser de Traces). L’ALIBI IDÉAL est le huitième tome d’une nouvelle série de suspense psychologique par l’auteur à succès Blake Pierce qui commence par LA FEMME IDÉALE, best-seller n°1 disponible en téléchargement gratuit qui a obtenu presque 500 critiques à cinq étoiles… Une épouse et mère de banlieue échappe à l’emprise d’un tueur en série psychotique, mais finit assassinée quelques semaines plus tard… Était-ce une coïncidence? Ou existe-t-il un tueur en série qui joue au chat et à la souris comme l’être malsain qu’il est … avant de tuer? Est-ce que la célèbre agente du FBI, Jessie Hunt, 29 ans, peut faire abstraction de ses traumatismes personnels et se mettre à la place de ce tueur ? Peut-elle sauver la prochaine victime, et peut-être elle-même, avant qu’il ne soit trop tard? Thriller psychologique palpitant aux personnages inoubliables et au suspense haletant, L’ALIBI IDÉAL est le tome 8 d’une nouvelle série fascinante qui vous tiendra éveillé tard la nuit… Le tome 9 de la série Jessie Hunt, LA VOISINE IDÉALE, est maintenant disponible lui aussi.





Blake Pierce

L’ALIBI IDÉAL




l’alibi idéal




(roman de suspense psychologique avec Jessie Hunt, tome 8)




b l a k eВ В  p i e r c e



Blake Pierce

Blake Pierce est l’auteur de la série à succès mystère RILEY PAIGE, qui comprend dix-sept volumes (pour l’instant). Black Pierce est également l’auteur de la série mystère MACKENZIE WHITE, comprenant quatorze volumes (pour l’instant) ; de la série mystère AVERY BLACK, comprenant six volumes ; et de la série mystère KERI LOCKE, comprenant cinq volumes ; de la série mystère LES ORIGINES DE RILEY PAIGE, comprenant six volumes (pour l’instant), de la série mystère KATE WISE comprenant sept volumes (pour l’instant) et de la série de mystère et suspense psychologique CHLOE FINE, comprenant six volumes (pour l’instant) ; de la série de suspense psychologique JESSE HUNT, comprenant sept volumes (pour l’instant), ; de la série de mystère et suspense psychologique LA FILLE AU PAIR, comprenant deux volumes (pour l’instant) ; et de la série de mystère ZOÉ PRIME, comprenant trois volumes (pour l’instant) ; de la nouvelle série de mystère ADÈLE SHARP et de la nouvelle série mystère VOYAGE EUROPÉEN.



Lecteur avide et admirateur de longue date des genres mystère et thriller, Blake aimerait connaître votre avis. N’hésitez pas à consulter son site www.blakepierceauthor.com afin d’en apprendre davantage et de rester en contact.








Copyright В© 2020 by Blake Pierce. Tous droits rГ©servГ©s. Sauf autorisation selon Copyright Act de 1976 des U.S.A., cette publication ne peut ГЄtre reproduite, distribuГ©e ou transmise par quelque moyen que ce soit, stockГ©e sur une base de donnГ©es ou stockage de donnГ©es sans permission prГ©alable de l'auteur. Cet ebook est destinГ© Г  un usage strictement personnel. Cet ebook ne peut ГЄtre vendu ou cГ©dГ© Г  des tiers. Vous souhaitez partager ce livre avec un tiers, nous vous remercions d'en acheter un exemplaire. Vous lisez ce livre sans l'avoir achetГ©, ce livre n'a pas Г©tГ© achetГ© pour votre propre utilisation, retournez-le et acheter votre propre exemplaire. Merci de respecter le dur labeur de cet auteur. Il s'agit d'une Е“uvre de fiction. Les noms, personnages, sociГ©tГ©s, organisations, lieux, Г©vГЁnements ou incidents sont issus de l'imagination de l'auteur et/ou utilisГ©s en tant que fiction. Toute ressemblance avec des personnes actuelles, vivantes ou dГ©cГ©dГ©es, serait purement fortuite. Photo de couverture Copyright Abie Aguiar sous licence Shutterstock.com.



LIVRES PAR BLAKE PIERCE




LES MYSTГ€RES DE ADГ€LE SHARP

LAISSГ€ POUR MORT (Volume 1)

CONDAMNГ€ ГЂ FUIR (Volume 2)

CONDAMNГ€ ГЂ SE CACHER (Volume 3)


LA FILLE AU PAIR

PRESQUE DISPARUE (Livre 1)

PRESQUE PERDUE (Livre 2)

PRESQUE MORTE (Livre 3)


LES MYSTГ€RES DE ZOE PRIME

LE VISAGE DE LA MORT (Tome 1)

LE VISAGE DU MEURTRE (Tome 2)

LE VISAGE DE LA PEUR (Tome 3)


SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE JESSIE HUNT

LA FEMME PARFAITE (Volume 1)

LE QUARTIER IDÉAL (Volume 2)

LA MAISON IDÉALE (Volume 3)

LE SOURIRE IDÉALE (Volume 4)

LE MENSONGE IDÉALE (Volume 5)

LE LOOK IDÉAL (Volume 6)

LA LIAISON IDÉALE (Volume 7)

L’ALIBI IDÉAL (Volume 8)


SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE CHLOE FINE

LA MAISON D’À CÔTÉ (Volume 1)

LE MENSONGE D’UN VOISIN (Volume 2)

VOIE SANS ISSUE (Volume 3)

LE VOISIN SILENCIEUX (Volume 4)

DE RETOUR ГЂ LA MAISON (Volume 5)

VITRES TEINTÉES (Volume 6)


SÉRIE MYSTÈRE KATE WISE

SI ELLE SAVAIT (Volume 1)

SI ELLE VOYAIT (Volume 2)

SI ELLE COURAIT (Volume 3)

SI ELLE SE CACHAIT (Volume 4)

SI ELLE S’ENFUYAIT (Volume 5)

SI ELLE CRAIGNAIT (Volume 6)

SI ELLE ENTENDAIT (Volume 7)


LES ORIGINES DE RILEY PAIGE

SOUS SURVEILLANCE (Tome 1)

ATTENDRE (Tome 2)

PIEGE MORTEL (Tome 3)

ESCAPADE MEURTRIERE (Tome 4)

LA TRAQUE (Tome 5)


LES ENQUГЉTES DE RILEY PAIGE

SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)

RÉACTION EN CHAÎNE (Tome 2)

LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)

LES PENDULES À L’HEURE (Tome 4)

QUI VA ГЂ LA CHASSE (Tome 5)

À VOTRE SANTÉ (Tome 6)

DE SAC ET DE CORDE (Tome 7)

UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8)

SANS COUP FÉRIR (Tome 9)

ГЂ TOUT JAMAIS (Tome 10)

LE GRAIN DE SABLE (Tome 11)

LE TRAIN EN MARCHE (Tome 12)

PIÉGÉE (Tome 13)

LE RÉVEIL (Tome 14)

BANNI (Tome 15)

MANQUE (Tome 16)

CHOISI (Tome 17)


UNE NOUVELLE DE LA SÉRIE RILEY PAIGE


RÉSOLU




SÉRIE MYSTÈRE MACKENZIE WHITE

AVANT QU’IL NE TUE (Volume 1)

AVANT QU’IL NE VOIE (Volume 2)

AVANT QU’IL NE CONVOITE (Volume 3)

AVANT QU’IL NE PRENNE (Volume 4)

AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Volume 5)

AVANT QU’IL NE RESSENTE (Volume 6)

AVANT QU’IL NE PÈCHE (Volume 7)

AVANT QU’IL NE CHASSE (Volume 8)

AVANT QU’IL NE TRAQUE (Volume 9)

AVANT QU’IL NE LANGUISSE (Volume 10)

AVANT QU’IL NE FAILLISSE (Volume 11)

AVANT QU’IL NE JALOUSE (Volume 12)

AVANT QU’IL NE HARCÈLE (Volume 13)

AVANT QU’IL NE BLESSE (Volume 14)


LES ENQUÊTES D’AVERY BLACK

RAISON DE TUER (Tome 1)

RAISON DE COURIR (Tome2)

RAISON DE SE CACHER (Tome 3)

RAISON DE CRAINDRE (Tome 4)

RAISON DE SAUVER (Tome 5)

RAISON DE REDOUTER (Tome 6)


LES ENQUETES DE KERI LOCKE

UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (Tome 1)

DE MAUVAIS AUGURE (Tome 2)

L’OMBRE DU MAL (Tome 3)

JEUX MACABRES (Tome 4)

LUEUR D’ESPOIR (Tome 5)




CHAPITRE PREMIER


Accroupie, serrée et roulée en boule, Caroline Gidley utilisait l’intérieur de ses cuisses pour se réchauffer. Même si l’on était à la fin du printemps, il faisait froid la nuit, surtout dans les circonstances où elle se trouvait.

Il était fou qu’elle puisse même les considérer comme de simples « circonstances » mais, après quatre jours passés attachée dans une cage pour chiens uniquement vêtue de son soutien-gorge et de sa culotte et avec seulement une fine couverture pour se réchauffer, cette situation était devenue sa nouvelle normalité, d’une façon ou d’une autre.

Tout avait commencé de manière très banale. En sortant du travail, elle s’était dirigée vers sa voiture quand un homme lui avait demandé la direction de l’autoroute. Comme ils avaient été dans un parking public très fréquenté et qu’il avait paru très inoffensif et hésitant quand il s’était approché d’elle, elle ne s’était guère méfiée. Elle avait commencé à répondre en se tournant et en tendant le bras vers l’est.

Avant même qu’elle ait compris ce qui se passait, il lui avait bondi dessus et placé un tissu épais sur la bouche et le nez. En perdant conscience, elle l’avait vu ouvrir le coffre de la voiture garée à côté de la sienne. Quand il l’y avait poussée avant de le refermer bruyamment, elle avait eu une dernière idée avant de s’endormir.

Il s’est garé juste à côté de moi. Il a tout prévu.

Quand elle s’était réveillée, elle s’était retrouvée dans la cage, vêtue de seulement quelques sous-vêtements, les mains attachées devant par une corde élastique fine et serrée. Elle avait examiné ses alentours et rapidement déterminé qu’elle était détenue dans une sorte de bâtiment délabré. Des fils métalliques pendaient librement du plafond et quelques fenêtres étaient cassées. Il n’y avait pas d’éclairage intérieur et, comme le soleil semblait être en train de se coucher, sa capture devait remonter à plusieurs heures.

Presque comme si elle l’avait appelé, l’homme était entré par une porte épaisse en métal. Son cœur avait commencé à battre la chamade de manière presque audible. Elle avait senti l’odeur de sa propre peur. Elle avait essayé de ne plus y penser et de se concentrer sur son ravisseur.

Quand il s’était approché, elle avait remarqué plusieurs choses qui lui avaient échappé lors de cette première rencontre brève sur le parking. Il portait visiblement une perruque. Ses cheveux foncés épais faisaient penser Caroline à un musicien de heavy metal des années 1980. Sa barbe fournie était visiblement fausse, elle aussi, et le gros nez en mastic qu’il portait ne l’était pas moins. Elle avait même douté qu’il ait réellement besoin des lunettes teintées à monture épaisse qu’il avait sur le nez.

Quand il s’était approché, il avait souri et elle avait vu qu’il portait également des fausses dents. Son déguisement était tellement grotesque qu’elle avait soupçonné cet homme d’avoir voulu être ridicule.

– Bonjour, Caroline, avait-il dit avec un léger zézaiement dont elle avait attribué la cause aux fausses dents. C’est la seule fois que tu me verras. Dorénavant, tu auras les yeux bandés. Je ne t’ai pas bâillonnée, mais je le ferai si nécessaire. Si tu essaies de retirer ton bandeau à quelque moment que ce soit, je t’attacherai les mains derrière le dos au lieu de devant. Si tu essaies de t’évader, il faudra que je te … fasse du mal. Je préférerais l’éviter.

– Pourquoi faites-vous ça ? avait-elle demandé en essayant que sa voix ne trahisse pas sa terreur.

– Tu ne comprendrais pas. Les femmes comme toi, ça ne comprend jamais.

Alors, il avait sorti quelque chose de derrière son dos. C’était une sorte de pistolet à flèches.

– Je vous en supplie, avait-elle supplié, la voix cassée. Rien ne vous force à faire ça.

– Souviens-toi des règles, lui avait-il dit impassiblement. Si tu les respectes, tout ira beaucoup mieux pour toi.

Sans prononcer un autre mot, il avait tiré. Caroline avait senti une forte piqûre à la cuisse gauche. Alors, tout lui avait paru lourd. Ses yeux s’étaient fermés et le monde était redevenu noir.

Quand elle s’était réveillée la fois suivante, elle avait eu les yeux bandés, comme il l’avait promis. La vague initiale de panique qu’elle avait ressentie pendant ces premières heures avait fini par céder la place à l’espoir quand elle avait tenté de rassembler toutes les informations qu’elle avait pu. Elle avait mesuré le temps en se basant sur les moments où il lui avait apporté à manger, sur la chaleur relative qui régnait dans le bâtiment et sur les faibles éclats de lumière qui passaient par le bandeau.

À intervalles réguliers, il revenait. Ses chaussures résonnaient sur le sol en béton de la pièce vide. Malgré tous les efforts de Caroline, ce son lui provoquait de l’hyperventilation. Elle l’entendait déverrouiller le cadenas de la cage, faire glisser les barres de confinement, ouvrir la chatière en métal et poser deux bols par terre. Parce qu’elle avait les poignets attachés, Caroline était réduite à laper la nourriture et l’eau comme un vrai chien.

Il ne la laissait jamais aller vraiment aux toilettes. Pour faire ses besoins, elle devait retirer sa culotte et aller dans un coin de la cage. Parfois, il entrait dans la cage et les aspergeait, elle la cage, avec un jet d’eau, puis il repartait. Après le premier jour, elle avait compris qu’il valait mieux qu’elle enfonce ses sous-vêtements et sa couverture dans les trous de la cage au-dessus d’elle pour qu’ils se mouillent moins quand le jet d’eau la frapperait.

La routine devint si régulière que le moindre changement l’inquiétait. Lors d’un repas, il ne lui apporta qu’un bol et dit que, comme c’était du ragoût, ça satisferait tous ses besoins. Une autre fois, elle se réveilla, certaine qu’on était le matin, mais il n’était venu qu’à midi et elle avait craint qu’il ne l’ait complètement abandonnée.

Parfois, elle se demandait si les autres l’avaient abandonnée, eux aussi. Est-ce que ses amis et sa famille avaient remarqué sa disparition ? Si oui, avaient-ils averti la police ? Est-ce que quelqu’un la recherchait ?

Cependant, ce fut par cette nuit fraîche de fin de printemps, alors qu’elle essayait d’empêcher sa pitoyable couverture de glisser sur son dos en s’appuyant sur la paroi de la cage et qu’elle appuyait l’intérieur de ses cuisses contre ses bras pour arrêter de trembler, qu’elle remarqua un autre changement dans la routine.

Quand l’homme la quitta après avoir emporté les restes de l’eau et des haricots noirs en boîte qui avaient constitué son dîner, elle ne l’entendit pas verrouiller la cage avant de partir comme d’habitude. Il remit les barres de confinement en place mais reçut un appel sur son téléphone portable juste après ça. En s’éloignant pour y répondre, il laissa la porte de la cage déverrouillée.

Caroline attendit en pensant qu’il allait revenir terminer ce qu’il avait commencé mais, au bout de ce qu’elle estima être une heure, il lui parut clair qu’il ne le ferait pas. Comme elle était certaine qu’il la filmait avec une caméra de surveillance, ce fut avec une prudence extrême qu’elle baissa très légèrement son bandeau pour jeter un coup d’œil.

Il faisait sombre. La seule lumière venait de la demi-lune dont les rayons passaient par les fenêtres cassées. Dans l’obscurité, elle ne voyait pas d’équipement de surveillance, mais cela ne signifiait pas qu’il n’y en avait pas.

Aussi discrètement que possible, elle observa l’endroit de la barre de confinement d’en haut où le cadenas aurait dû être. Il s’y trouvait mais, comme elle l’avait supposé, il n’avait pas été verrouillé et pendait à la barre. Pour autant qu’elle puisse dire, pour sortir de la cage, elle n’aurait qu’à dégager le cadenas et faire glisser la barre de côté.

Caroline resta assise en silence et se demanda comment elle allait procéder. Si elle devait s’évader un jour, ce moment était le meilleur. Vu la façon dont s’étaient déroulées ses nuits précédentes, l’homme ne reviendrait pas avant le matin, au plus tôt. Cela lui laissait des heures pour essayer de s’éloigner et, espérait-elle, trouver de l’aide. Si elle voulait passer à l’action, c’était maintenant qu’il fallait qu’elle le fasse.

Elle pensa au sort qu’elle subirait si elle ne faisait rien. L’homme qui la détenait comptait clairement la tuer. Ce n’était qu’une affaire de temps. Combien de jours la garderait-il encore dans une cage, la nourrirait-il avec une gamelle de chien et la laverait-il au jet d’eau avant de perdre patience et de passer à une chose plus excitante ? Allait-elle vraiment rester roulée en boule en attendant que cela se produise ?

Avant même qu’elle ait consciemment pris sa décision, elle plongea les doigts entre les fils de la cage pour chien et s’efforça d’atteindre et de retirer le cadenas. Elle avait les doigts engourdis parce qu’elle ne les avait pas utilisés depuis longtemps et à cause des cordes élastiques qui lui serraient les poignets, mais elle finit par attraper et retirer le cadenas. Alors, elle saisit la barre de confinement du haut et la fit glisser vers la droite. Elle fit de même avec celle du bas. Alors, elle poussa. La porte s’ouvrit en grinçant. Pendant une seconde, elle resta assise là, figée, terrifiée, puis elle sortit de la cage.

Elle se tint debout pour la première fois en plusieurs jours et ce fut douloureux et difficile. Caroline poussa sur le sol avec les paumes engourdies de ses mains. Quand elle se leva en titubant, elle sentit les muscles de ses cuisses et de ses mollets se figer. Il lui fallut presque une minute avant qu’elle ait assez confiance en elle-même pour faire un pas. Quand elle fut presque sûre qu’elle n’allait pas s’effondrer, elle se dirigea vers la porte par laquelle elle avait vu l’homme entrer lors de la première nuit. Elle poussa fort, mais la porte était verrouillée de l’extérieur.

Elle s’enleva complètement le bandeau et regarda autour d’elle. Il n’y avait aucune autre porte en vue. Alors, elle aperçut une des fenêtres cassées. Elle était trop haute pour qu’elle l’atteigne en grimpant et elle ne pouvait pas courir puis bondir. Elle inspecta la pièce à la recherche d’une chaise, mais il n’y en avait aucune. Par contre, il y avait la cage.

Avec le peu de force qu’il lui restait, Caroline la traîna et la plaça juste sous la fenêtre. Il y avait des éclats de verre le long du rebord de la fenêtre et elle utilisa ses coudes pour les enlever. Alors, elle grimpa sur la cage en priant pour qu’elle supporte son poids. Elle tint bon.

Incapable de s’appuyer sur ses mains attachées, elle se pencha par la fenêtre en posant les avant-bras sur le rebord. Quand elle appuya, elle sentit quelques éclats de verre restants s’enfoncer dans sa peau. Elle essaya de les ignorer et préféra se demander si le sol était loin sous elle. Dans le clair de lune blafard, elle évalua la distance à environ un mètre cinquante.

Elle n’avait pas grand choix. Donc, elle appuya ses avant-bras sur le bord et poussa vigoureusement contre la cage avec ses pieds. La cage glissa et s’écarta quand Caroline bougea. Elle tomba. Son ventre et ses hanches heurtèrent le rebord et les morceaux de verre tranchants comme des lames de rasoir qui s’y étaient accumulés.

Heureusement, la plus grande partie de son poids avait atterri sur la partie extérieure du bord et elle chuta lentement dehors la tête la première. Elle atterrit sur son épaule droite avant de tomber sur le dos avec un bruit sourd. Ignorant la douleur violente, elle se releva et s’éloigna du bâtiment en chancelant, à la recherche d’une voie susceptible de ressembler à une route.

Après plusieurs minutes de recherche, elle en trouva une par accident quand ses pieds nus passèrent de l’herbe à la terre et au gravier. Elle baissa les yeux, à peine capable de distinguer la différence de couleur entre les deux surfaces. Cependant, elle fit de son mieux pour suivre la route, utilisant ses pieds plus que ses yeux pour se guider et essayant de résister à la panique.

Quand elle passa un coin à côté d’un flanc de coteau, elle se demanda où son ravisseur avait pu l’emmener. En effet, elle ne voyait aucun éclairage urbain. Soudain, elle en vit. Dès qu’elle eut quitté la colline, les lumières éclatantes du centre-ville de Los Angeles l’illuminèrent comme un phare de la taille d’une ville qui lui offrait à la fois un signal et du réconfort.

Elle avança, éblouie par ces lumières. Caroline habitait à West Hollywood, où il ne faisait presque jamais noir et où elle ne le remarquait que rarement quand ça arrivait. À présent, l’apparition soudaine de la ville lui donnait l’impression qu’elle venait de tomber sur une oasis après avoir vécu dans un désert. Elle se rapprocha d’un pas, laissant la terre derrière elle et sentant à nouveau l’herbe humide sous ses pieds.

Cependant, elle sentit soudain le sol se dérober sous elle. Elle se rendit compte trop tard qu’elle était allée au bord d’un autre flanc de coteau et qu’il s’effondrait sous ses pieds. Elle se retourna quand son corps tomba et essaya de tendre les bras pour attraper une racine ou une branche mais, avec les cordes qui lui liaient les poignets, c’était impossible.

Soudain, elle dévala le coteau, roulant sur elle-même et rebondissant sur des rochers et des arbres. Elle essaya de se mettre en boule mais ne put guère que grogner. À un moment, sa jambe droite heurta un tronc d’arbre et prit un angle peu rassurant.

Caroline ne sut pas combien de temps elle tomba mais, quand elle s’arrêta finalement, seule une douleur insoutenable lui garantit qu’elle était encore en vie. Elle ouvrit les yeux en prenant conscience du fait qu’elle les avait gardés fermés pendant tout le temps qu’elle avait dévalé la colline.

Il lui fallut plusieurs secondes pour s’orienter. Elle se rendit compte qu’elle était sur le dos et qu’elle regardait vers le haut de la colline d’où elle venait. Elle estima qu’elle avait dû tomber d’une falaise abrupte couverte de rochers, de buissons et d’arbres morts qui devait facilement mesurer vingt-deux mètres de hauteur. Elle pencha la tête à gauche et vit une chose qui, malgré toute la douleur qu’elle ressentait, la remplit de joie : des phares.

Elle se força à rouler sur le ventre. Elle savait qu’elle ne pourrait jamais appuyer sur sa jambe droite et encore moins se tenir debout. Donc, elle rampa, enfonçant les ongles dans la terre qui se trouvait devant elle et poussant avec sa jambe encore fonctionnelle. Elle réussit à emmener son corps à moitié sur la route, où elle roula sur le dos et agita désespérément ses bras attachés au-dessus de sa tête.

Les phares arrêtèrent de bouger et elle entendit s’arrêter le moteur du véhicule. Quand quelqu’un sortit du côté conducteur, Caroline vit des bottes avancer vers elle et eut une crainte aussi subite qu’horrible.

Et si c’était l’homme qui m’avait capturée ?

Un moment plus tard, ses craintes disparurent quand la personne s’agenouilla et qu’elle vit que c’était une femme qui portait ce qui ressemblait à un uniforme d’agent des parcs.

– Qu’est-ce que … ? dit la femme avant de sortir sa radio et de parler dedans en toute hâte. Poste principal, ici le Ranger Kelso. J’ai une urgence sur Vista Del Valley Drive dans le secteur six. Il y a une femme blessée allongée sur la route. Sa jambe droite comporte une fracture grave et ses poignets sont liés. Appelez les urgences. Je crois qu’elle a été enlevée, comme les autres.




CHAPITRE DEUX


– Pourquoi est-ce que ça sent le brûlé ?

Hannah posa la question calmement, mais Jessie entendit son ton accusateur. Si quelque chose brûlait, ce ne pouvait être que pour une seule raison : Jessie essayait de faire de la pâtisserie et, une fois de plus, c’était un désastre.

Jessie se leva en toute hâte de la table de la cuisine, où ils jouaient à Trivial Pursuit, et se rua vers le four. Quand elle en ouvrit énergiquement la porte, elle découvrit que ses scones à la canneberge et à l’orange avaient un air distinctement noirâtre et brûlé. Elle se dépêcha de se mettre une manique et sortit ses scones, qu’elle laissa tomber sans ménagement sur le haut de la cuisinière. Des petits ruisseaux de fumée s’élevaient du scone le plus carbonisé, le petit qui avait été au fond.

Jessie entendit Ryan glousser à la table. Hannah avait un air déçu, comme si elle était la tutrice officielle et qu’elle tentait de ne pas gronder sa protégée en difficulté. Bien sûr, comme les choses se passaient habituellement dans l’autre sens, l’expression de Hannah contenait aussi une touche de satisfaction.

– Ne te moque pas ! dit Jessie, sur la défensive.

– Jamais je ne ferais une chose pareille, répondit Hannah, prétendument offensée.

– On pourrait peut-être s’en servir comme palets de hockey, suggéra Ryan.

– Pourquoi pas comme triangles de jet ? proposa Hannah avec beaucoup trop d’enthousiasme. Tu sais, comme des étoiles de jet chinoises, mais avec des glucides en plus.

Jessie essaya de ne pas trop s’énerver des taquineries bon enfant de sa demi-sœur. Elle baissa les yeux vers les restes fumants de ses efforts et soupira.

– Je crois qu’on va devoir sortir ta dernière fournée du congélateur, dit-elle avec résignation.

– Pas de problème, dit Hannah, mais fais vite. Je vais gagner cette partie. Je n’en suis qu’à deux camemberts.

– Donne-moi une minute, dit Jessie.

Elle fouilla dans le congélateur, où elle trouva le récipient qui contenait les scones. Elle les mit dans le mini-four et attendit qu’ils se réchauffent pour éviter de les brûler eux aussi.

– Je ne comprends pas, dit Ryan pour la taquiner. Tu es la deuxième profileuse criminelle de Californie du Sud en termes de célébrité, et pourtant, tu as l’air incapable de cuire quoi que ce soit sans four à micro-ondes. Comment est-ce possible ?

– J’ai mes priorités, Hernandez, répondit-elle simplement. Entre deux tueurs en série, il faut que je me débrouille avec la politique de la section, que je reste sexy pour toi …

– Beurk, coupa Hannah.

– … et que j’éduque une adolescente qui croit tout savoir, poursuivit-elle.

– Si tu tiens à le savoir, je n’ai pas besoin qu’on m’éduque, répliqua Hannah en souriant.

Jessie persista.

– Quelque part au milieu de tout ça, j’ai oublié d’apprendre à faire de la pâtisserie. Fais-moi un procès.

– Est-ce pour cela que ton ex-mari a essayé de te tuer ? demanda Hannah en faisant son innocente.

– Non, interrompit Ryan. C’était à cause de son pain de viande. C’est un crime contre l’humanité.

Jessie essaya de ne pas sourire.

– Je n’apprécie pas que vous vous liguiez contre moi. De plus, vous devriez savoir qu’aucun de ceux qui ont tenté de me tuer n’a dit que c’était à cause de ma cuisine.

– C’est parce qu’ils ont été polis, dit Hannah.

Jessie allait répondre quand le mini-four sonna. Elle sortit les scones et les mit sur des assiettes, qu’elle tendit aux deux autres. Alors, elle s’assit et prit une bouchée d’un des siens.

– Mmm, murmura-t-elle doucement malgré elle-même.

– Pas trop brûlés ? demanda Hannah.

– Je voudrais être sarcastique, mais je n’y arrive pas, marmonna Jessie, la bouche pleine. Comment fais-tu pour les réussir autant ?

Hannah fit un grand sourire entièrement dépourvu de son cynisme habituel. Jessie ne put s’empêcher de remarquer qu’elle avait l’air très joyeuse ces jours-ci. Ses yeux verts, qui étaient en général ternes et indifférents, étincelaient. D’une façon ou d’une autre, ses cheveux blonds roux avaient l’air plus brillants que d’habitude. Elle semblait même plus grande, ces jours-ci, et elle marchait la tête plus haute. À un mètre soixante-quinze, elle ne mesurait que deux centimètres de moins que Jessie mais, avec sa posture récemment améliorée et son corps d’athlète, elle aurait pu être la doublure de sa sœur.

– Le secret tient en un seul mot : le beurre. En fait, en plusieurs mots : beaucoup de beurre.

Avant que Jessie ait pu prendre une autre bouchée, son téléphone sonna. Elle baissa les yeux et se rendit compte que c’était un appel qu’elle avait prévu.

Est-il dГ©jГ  vingt-et-une heuresВ ?

Elle s’était tellement amusée qu’elle n’avait pas vu passer le temps.

– C’est qui ? demanda Ryan.

– C’est le plus célèbre des profileurs criminels de Californie du Sud. Il voulait mon opinion sur une affaire, mentit-elle. Donnez-moi quinze minutes.

– OK, dit Hannah, mais, après ça, on passera ton tour.

– Compris, dit Jessie en emportant le scone et son téléphone dans la chambre.

Elle essayait de garder un ton positif, mais même les scones délicieux de Hannah n’arrivaient pas à démêler le nœud que venait de devenir son estomac. Elle allait décrocher, mais elle envisagea de faire autrement. Elle ne voulait pas interrompre cette soirée quasi-parfaite pour parler de sujets sinistres et décida de ne pas le faire. Elle laissa répondre la messagerie et envoya un SMS.

Je passe une excellente soirée avec Hannah et je ne veux pas l’interrompre. Pourrons-nous en parler demain ?

Plusieurs secondes plus tard, elle reçut une réponse. Elle entendit presque sa brusquerie.

On se voit en personne dans la salle de repos du poste Г  7 h pile.

Elle répondit « OK » et n’en dit pas plus. Elle savait que ce gars aimait arriver au travail tôt, mais elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’il lui imposait cette heure inhumaine pour la punir d’avoir changé le rendez-vous. Cependant, si cela lui permettait de passer plus de bon temps avec Hannah, cela en valait la peine.

– Hé, dit-elle en revenant dans le salon, j’ai décidé que vous foutre une raclée était plus important que toutes les affaires criminelles du monde. J’espère que vous n’avez pas passé mon tour.

En les rejoignant, elle comprit qu’elle ne faisait que repousser une échéance qui la préoccupait. Cela dit, une soirée de plus à la maison, ce n’était pas la fin du monde, ou, du moins, c’était ce qu’elle se disait. La réalité l’attendrait quand même le lendemain, parée de toute sa laideur.




CHAPITRE TROIS


ГЂ une exception notable, la salle de repos Г©tait vide.

– Merci d’avoir trouvé du temps pour moi, dit Jessie quand elle arriva à 6 h 58.

Par simple prГ©caution, elle verrouilla la porte derriГЁre elle.

– Je suis très occupé, dit ironiquement Garland Moses en se tournant vers elle.

Il Г©tait assis Г  une table et il mangeait ce qui semblait ГЄtre une barre granola. Jessie fut tentГ©e de faire une blague en lui disant de faire attention Г  son dentier, mais elle se retint.

– Occupé au point de m’avoir évitée tout le mois dernier, fit-elle remarquer.

– J’avais une grande affaire à résoudre, protesta-t-il, puis j’ai eu cette conférence à Philadelphie. Enfin, j’ai pris des vacances.

– Te fous pas de moi, Garland. Lors de notre dernière vraie conversation à ma fête d’anniversaire, tu as suggéré que tu t’inquiétais pour Hannah. Après ça, tu m’as zappée pendant un mois. J’ai paniqué.

C’était exagéré. En fait, pendant les quatre dernières semaines, les choses s’étaient très bien déroulées avec Hannah. Vu tout ce que sa demi-sœur avait subi au cours des six derniers mois, le fait qu’elle puisse sincèrement apprécier une soirée tranquille consacrée aux jeux de plateau et aux scones était un petit miracle. C’était en partie pour cela que Jessie n’avait pas voulu interrompre sa soirée de la veille.

– Tu sais que je suis un homme âgé, n’est-ce pas ? dit Garland. Dans mes conversations, je n’emploie pas le verbe « zapper ».

– Tu essaies de gagner du temps, dit-elle.

– Certes, j’ai du mal avec le temps, dit-il en se levant lentement. Allons boire un café.

Il emmena Jessie à la machine à café. Jessie essaya de ne pas regarder le distributeur qui se trouvait à côté. Elle n’avait pas encore pris de petit déjeuner et elle sentait son estomac gargouiller à l’idée de consommer ces en-cas pleins de conservateurs. En regardant Garland marcher, Jessie remarqua qu’il portait une tenue qui, comme elle avait fini par l’apprendre, était en général son uniforme quotidien.

Il portait une veste de sport grise usée sur un sweat marron et une chemise élégante beige terne. Son pantalon bleu marine était froissé et ses mocassins étaient couverts d’éraflures. Ses cheveux blancs partaient dans toutes les directions comme s’il essayait de gagner un concours de déguisement en Albert Einstein. Perchées sur l’arête de son nez, ses lunettes à double foyer complétaient son style.

Toutefois, Jessie avait appris que les apparences pouvaient ГЄtre trompeuses et que le profileur vГ©tГ©ran cultivait son air nГ©gligГ© pour que les gens le sous-estiment. Il Г©tait toujours rasГ© Г  la perfection et presque aucun poil ne lui Г©chappait. Ses dents blanches Г©taient immaculГ©es et ses ongles Г©taient impeccables. Les lacets de ses mocassins usГ©s Г©taient nouveaux et soigneusement attachГ©s avec des doubles nЕ“uds.

Sur tous les points importants, il cultivait l’excellence. Jessie, qui avait toujours respecté ce vieux monsieur, avait fini par l’aimer sincèrement.

– OK, Mme Hunt … commença-t-il, ayant apparemment décidé de passer aux choses sérieuses.

– Je crois que tu peux m’appeler Jessie, maintenant, Garland. En fait, j’envisage de t’appeler grand-père, dorénavant.

– S’il te plaît, ne fais pas ça, demanda-t-il avec insistance. OK, Jessie. Je ne voulais pas te faire paniquer, mais j’avais bien quelques inquiétudes sur Hannah. J’accepte de te les communiquer, du moment que tu les laisses dans leur contexte approprié.

– De quel contexte s’agit-il ? demanda Jessie.

– N’oublie pas que c’est une fille de dix-sept ans dont les parents adoptifs ont été violemment assassinés sous ses yeux par son père biologique, tueur en série notoire.

– J’en suis tout à fait consciente, Garland, dit impatiemment Jessie. D’abord, j’y étais. Ensuite, ce tueur en série était aussi mon père, si tu t’en souviens.

– Je ne fais que brosser un portrait, dit-il patiemment. Puis-je continuer ?

– Vas-y, dit Jessie en décidant de ne pas interrompre l’homme auquel elle avait essayé de parler pendant un mois.

– Alors, poursuivit-il, quelques semaines plus tard, elle a été kidnappée par un autre tueur en série qui a voulu la transformer en assassin comme lui-même et son père. Ce faisant, il l’a forcée à le regarder pendant qu’il assassinait ses parents adoptifs.

Jessie eut envie de signaler que, comme c’était elle qui avait sauvé Hannah dans ces deux cas, elle connaissait les détails de près. Cependant, Garland Moses savait visiblement tout ça. Il rappelait seulement la situation. Donc, au lieu de l’interrompre, pendant qu’il parlait, elle contempla son reflet dans la vitre du distributeur en essayant de s’effacer les rides du front par pure volonté.

– C’est vrai, fit-elle remarquer d’un ton qu’elle garda neutre.

– Ensuite, au milieu de tout ça, elle a appris qu’elle avait une demi-sœur qu’elle avait vue soumise à la torture et qui semblait courir après la mort et le danger par la nature même de son travail. Tu es sa dernière famille encore en vie et, à chaque fois qu’elle te dit au revoir, elle sait que c’est peut-être pour la dernière fois.

Jessie n’avait pas pensé à ce fait et se sentit immédiatement mal à l’aise, aussi bien pour Hannah qu’à cause de son propre manque de perspicacité.

– Pourtant, répondit-elle finalement, tu savais déjà tout ça quand tu l’as rencontrée.

– Tu veux dire quand tu m’as demandé de la garder pour pouvoir la profiler en secret ?

– Si tu le dis. Le plus important, c’est que tu savais tout ça quand tu l’as rencontrée et que, malgré ça, tu m’as dit que tu t’inquiétais.

– C’est le cas, admit-il finalement. Je ne vais pas rentrer dans les détails parce que je ne veux pas trahir sa confiance et qu’ils ne sont pas si importants que ça, de toute façon. Toutefois, si je me base sur les choses dont nous avons discuté, je m’inquiète du manque apparent d’empathie de Hannah. Ce que je ne sais pas, c’est si je devrais m’inquiéter plus.

Jessie trouva révélateur de se contempler dans la vitre du distributeur pendant qu’elle digérait cette nouvelle. Comme ça, elle pouvait voir ses réactions en temps réel. Elle espérait qu’elle était plus impassible quand quelqu’un tentait de lui faire baisser les yeux en public mais, dans la confidentialité relative de la salle de repos et avec Garland qui s’occupait d’ajouter du sucre à son café, elle n’essaya pas de cacher qu’elle venait soudain de blêmir ou que ses yeux verts exprimaient de la peur. D’un souffle, elle expulsa ses cheveux marron de devant ses yeux et répondit prudemment.

– Tu veux bien préciser ?

– Voilà, répondit-il. La plupart des adolescents sont intrinsèquement égocentriques jusqu’à un certain point. Cela les aide à trouver leur propre identité. Trouver qui on est, cela nécessite de s’étudier. C’est normal, même si c’est parfois exaspérant.

– Jusque-là, je te suis.

– Cependant, elle a aussi subi tant de traumatismes qu’il ne serait pas étonnant qu’elle se ferme complètement sur le plan émotionnel. Si tout ce qu’elle ressent n’est qu’une série de douleurs diverses, pourquoi ressentirait-elle quoi que ce soit, pas seulement pour elle-même, mais pour qui que ce soit d’autre ? Donc, il est possible qu’une partie d’elle-même soit insensible pour se protéger. Bien que ce soit troublant, ça n’aurait rien de choquant.

– Et pourtant … dit Jessie pour l’encourager en le regardant.

– Et pourtant, concéda-t-il, rien ne me prouve que sa nature renfermée n’ait pas déjà existé avant tous ces événements. Certaines personnes ne se lient ni ne s’attachent de manière forte, quelle qu’en soit la raison. Sa mère est morte quand elle était petite. Elle a été placée quelque temps avant d’être adoptée. De nombreux éléments auraient pu bloquer sa capacité à créer des liens.

– Ou alors, elle est peut-être née comme ça, proposa Jessie. C’est peut-être génétique.

– C’est une autre possibilité, convint Garland en s’écartant pour qu’elle puisse prendre du café. Le problème, c’est que nous n’avons pas d’études de qualité qui fournissent des données fiables sur ce point. Toutefois, ce n’est pas vraiment ce que tu demandes, n’est-ce pas ?

– Qu’est-ce que je demande, Garland ? répliqua Jessie.

– Tu demandes si elle a le potentiel pour devenir un assassin. C’est ce qu’était votre père, ce que Bolton Crutchfield a essayé de faire d’elle et ce que tu crains de devenir toi-même. Est-ce exact ?

Jessie resta silencieuse plus longtemps qu’elle ne l’aurait voulu.

– C’est exact, dit-elle finalement à voix basse.

Jessie garda les yeux sur son café, où elle versait de la crème, mais elle entendit le silence prudent que produisit Garland avant de répondre. Elle imagina qu’il se demandait comment continuer au mieux.

– La réponse est décevante : je ne sais pas. Nous sommes tous les deux parfaitement conscients du fait que la recherche comportementale du FBI indique que presque tous les tueurs en série enregistrés ont connu une sorte de traumatisme pendant leur jeunesse. Ce traumatisme peut s’être manifesté sous forme de maltraitances, de harcèlement ou par la perte d’un être cher. Mon expérience empirique personnelle est en accord avec ces découvertes.

– La mienne aussi, convint Jessie, mais j’ai remarqué que tu as dit « presque » tous les tueurs en série.

– Oui. On rapporte que certains tueurs semblent avoir eu une enfance parfaitement normale sans avoir subi de traumatisme bien défini. Certaines personnes sont juste … désaxées. Tu le sais aussi bien que moi.

– Oui, dit Jessie quand ils revinrent à la table. Cependant, ce que je veux savoir, c’est si ma demi-sœur, la fille qui habite sous mon toit, est une de ces personnes parce que, si elle a subi une telle quantité d’horreurs si tôt dans sa vie et si elle n’a pas le gène de l’empathie (aussi douteuse que soit cette expression), alors, nous avons un problème.

– Peut-être, dit prudemment Garland quand ils s’assirent, ou peut-être pas. Pour autant que nous sachions, elle n’a pas torturé d’animaux et n’a tué personne.

– Pour autant que nous sachions, concéda Jessie.

– De plus, tu as connu beaucoup de traumatismes semblables aux siens. Ton père tueur en série a assassiné ta mère et tes parents adoptifs et a essayé de te tuer, tout comme un autre tueur en série obsédé par ta personne. Et puis, il ne faut pas oublier l’ex-mari qui a tenté de te faire accuser pour l’assassinat de sa maîtresse avant d’essayer de te tuer quand tu as découvert la vérité. Tu as connu beaucoup de traumatismes toi-même, mais tu n’es pas devenue tueuse.

– Non, dit Jessie, réfléchissant avant de révéler une chose qu’elle n’avait dévoilée qu’à peu de gens, mais je me suis souvent demandé si j’avais adopté cette profession pour être proche de la violence et de la cruauté de ces gens sans être obligée d’aller aussi loin qu’eux. Je crains de trouver du plaisir à être en contact avec leurs crimes.

Garland resta silencieux un moment et Jessie craignit qu’il ne se demande la même chose.

– C’est à ça que sert la thérapie, dit-il finalement sans être d’aucun secours.

Alors que Jessie allait répondre sur un ton narquois, son téléphone sonna. Elle baissa les yeux. C’était son amie Kat Gentry. Elle laissa se déclencher la messagerie.

– Bon, accepterais-tu de rencontrer Hannah une nouvelle fois ? demanda-t-elle. Pour voir si tu pourrais tirer des conclusions plus solides ?

– J’accepte de la rencontrer, en supposant qu’elle soit d’accord, dit-il, mais cela ne signifie pas que je vais effectuer une grande découverte. En fin de compte, il est difficile de discerner si elle est juste une adolescente lunatique, une jeune adulte traumatisée et émotionnellement handicapée ou les deux à la fois.

Un SMS s’afficha sur l’écran du téléphone de Jessie. Kat disait : J’ai besoin de ton aide sur une affaire. On se retrouve à Downtown Grounds à 7 h 30 ?

Jessie regarda quelle heure il Г©tait. Il Г©tait 7 h 10. Si Kat demandait Г  retrouver Jessie si vite, ce dont elle avait besoin devait ГЄtre urgent.

– Tu as oublié une possibilité, fit remarquer Jessie en tapant « OK » pour répondre à son amie.

– Laquelle ? demanda-t-il.

– Hannah pourrait être une sociopathe qui cache bien son jeu.




CHAPITRE QUATRE


Kat attendait dГ©jГ  dans le cafГ© noir de monde quand Jessie arriva.

Avant même de s’asseoir, Jessie vit que son amie était anxieuse.

C’était inhabituel, ou du moins ces derniers temps. Katherine Gentry, Kat pour les intimes, était en général beaucoup plus véhémente. Comme elle avait été directrice de la sécurité pour un service de psychiatrie pénitentiaire et, avant cela, Ranger de l’armée en Afghanistan, cette véhémence était chez elle une sorte de trait caractéristique.

Cependant, quand elle avait été licenciée suite à l’évasion de Bolton Crutchfield et qu’elle s’était reconvertie en détective privée, elle avait semblé se détendre beaucoup. De plus, récemment, quand elle avait commencé à sortir avec Mitch Connor, shérif adjoint d’une ville des montagnes située à deux heures environ, elle avait semblé vraiment heureuse. Cet homme l’avait aidée quand elle avait été consultante sur un des cas de Jessie et, depuis, ils avaient été inséparables et avaient fait la navette pour passer des week-ends ensemble.

Cependant, maintenant que Jessie avançait vers Kat en se faufilant dans la foule, elle retrouvait cette vieille appréhension familière chez son amie. D’une façon ou d’une autre, la longue cicatrice qui traversait verticalement son visage à partir de son œil gauche, celle qu’elle avait eue lors d’un incident non précisé dans un désert lointain, paraissait plus visible quand elle était inquiète.

– Comment ça va, Kat ? demanda bruyamment Jessie avant de prendre une gorgée du café que son amie avait déjà commandé pour elle. Tu couches encore aussi souvent ?

Elle sourit facétieusement quand plusieurs personnes tournèrent la tête et firent la grimace. Comme l’expression troublée de Kat ne disparut pas quand elle entendit cette taquinerie, Jessie comprit que l’heure devait être grave.

– J’ai besoin de ton aide, dit-elle sans préambule.

– OK, dit Jessie en devenant sérieuse elle aussi. Que se passe-t-il ?

Kat se permit de boire une gorgГ©e de son cafГ© avant de se lancer.

– As-tu entendu dire que beaucoup de femmes ont été enlevées récemment dans les environs ?

– Sans plus, répondit Jessie. Je sais que trois femmes ont été kidnappées pendant le dernier mois, à peu de chose près. Elles se sont toutes évadées. Comme ce n’est pas dans ma zone et qu’aucune de ces affaires n’a été confiée au Poste Central, je n’y ai pas fait très attention.

Jessie et Ryan travaillaient tous les deux pour le Poste Central de la Police de Los Angeles, dans le centre-ville.

– J’ai une nouvelle cliente, dit Kat. Elle s’appelle Morgan Remar. C’est la deuxième femme qui a été enlevée. C’est arrivé il y a environ trois semaines et elle s’est enfuie après cinq jours de détention. Elle a coopéré avec la Section des Personnes Disparues du Poste du Pacifique. Cependant, au bout de deux semaines d’enquête, ils sont bredouilles. Au cours des deux derniers jours, ils n’ont vraiment pas été très réactifs. Donc, elle m’a embauchée.

– Sans vouloir t’offenser, si l’incident s’est produit près du Poste du Pacifique, pourquoi t’a-t-elle embauchée ?

– C’est une question tout à fait pertinente, dit Kat. Elle travaille à Venice mais habite à côté et son mari travaille dans le centre-ville, à juste quelques pâtés de maison. En fait, je l’ai rencontrée dans ce café-là il y a environ trois mois et nous sommes devenues amies. Comme elle trouve que ça n’avance pas, elle m’a demandé si je pouvais l’aider.

– OK, raconte-moi ce que tu sais.

Kat soupira profondément, comme si l’idée d’expliquer tout ce qu’elle avait appris l’intimidait particulièrement.

– En bref, dit-elle finalement, la première victime s’appelle Brenda Ferguson. Elle est mère au foyer, a trente-six ans et a deux enfants de son deuxième mariage. Son mari est cadre dans l’industrie de la musique. Elle a été enlevée en milieu de matinée, pendant qu’elle faisait du jogging sur une piste proche de sa maison de Brentwood. Après avoir été détenue pendant trois jours dans une cabane à outils, elle a réussi à s’échapper.

Jessie prenait rapidement des notes pendant que son amie parlait.

– Est-ce que je vais trop vite ? demanda Kat.

– Non. Ça va. Continue.

– OK. La deuxième victime était ma cliente, Morgan. Elle a vingt-neuf ans et habite dans le quartier de West Adams avec son mari, à seulement quelques kilomètres d’ici. Cependant, elle travaille dans un refuge pour sans-abris de Venice. Elle a été enlevée alors qu’elle venait de déjeuner sur la promenade Boardwalk. Comme je l’ai dit, elle a été détenue pendant cinq jours avant d’avoir pu s’échapper. Il la détenait dans une vieille penderie.

– Et la troisième femme ?

– Elle s’appelle Jayne Castillo. Elle a trente-trois ans, elle est mariée et elle habite dans le quartier de Mid-City. Elle a été enlevée sur le parking d’une épicerie il y a une semaine et demi et elle s’est enfuie après trois jours d’emprisonnement dans une benne à ordures.

– Est-ce que tu es entrée en contact avec les deux autres femmes ? demanda Jessie.

– J’ai essayé, dit Kat en se remémorant ses tentatives d’un air déçu, mais je suis tombée sur des impasses. Elles refusent de parler. Les policiers refusent de parler. C’est pour cela que je t’ai appelée. Je ne sais plus quoi faire. Morgan craint énormément que ce gars ne recommence, et moi, je ne peux pas la rassurer parce que je n’ai rien découvert depuis qu’elle m’a embauchée.

Jessie prit une autre gorgée avant de poser sa question suivante. Elle savait où Kat voulait en venir mais voulait réfléchir à la réponse qu’elle allait donner.

– Que puis-je faire pour toi ? demanda-t-elle finalement.

Kat n’eut pas besoin qu’on l’encourage pour répondre.

– Peux-tu contacter les inspecteurs qui s’occupent de ces affaires ? Ils seront peut-être plus communicatifs avec toi. Pour l’instant, je ne sais plus où j’en suis.

Jessie soupira.

– Je peux essayer, dit-elle. Le problème, c’est que ces policiers sont tous dans d’autres postes. Ils seront peu enclins à partager des informations de leurs affaires avec une profileuse de notre poste, vu que nous n’avons pas de victime dans cette affaire. Cependant, ça ne coûte rien d’essayer. Je trouverai peut-être quelqu’un de sympathique.

– Je sais que je demande beaucoup, reconnut Kat. Est-ce que tu es sûre que tu as le temps ?

– Pas de problème, lui assura Jessie. En fait, ces temps-ci, on n’a pas beaucoup d’enquêtes. Je termine les papiers sur une affaire de la semaine dernière et je vais être appelée à témoigner dans une autre, mais je n’ai rien d’actif en ce moment. Bien sûr, cela signifie que le capitaine Decker peut m’attribuer une nouvelle affaire quand il le veut mais, pour l’instant, je peux essayer de faire avancer la tienne.

– J’apprécierais énormément.

– Tu rigoles ? dit Jessie. Combien de fois m’as-tu aidée à résoudre une affaire quand je ne voulais pas passer par la voie officielle ? C’est le moins que je puisse faire.

– Merci, Jessie, dit Kat, qui eut l’air soulagée pour la première fois depuis le début de leur conversation.

– Pas de problème. Cela dit, est-ce que je peux parler à Morgan ? Ça m’aiderait vraiment de bénéficier d’informations de première main.

– Bien sûr, dit Kat. Elle est à une conférence en dehors de la ville pour l’instant et elle ne reviendra que tard ce soir, mais je peux te prévoir un rendez-vous pour demain.

– Bonne idée. Je vais voir ce que je peux découvrir entre temps, dit Jessie avant de prendre une autre grande gorgée de café. Maintenant qu’on a parlé de ça, j’ai une autre question.

– Laquelle ?

– Tu couches souvent ?

Kat afficha finalement le sourire que Jessie avait espéré obtenir la première fois qu’elle avait posé la question. Elle rougit intensément.

– Je m’occupe, dit-elle énigmatiquement.

– Je m’en doute, dit Jessie pour la taquiner.

– Et toi ? répliqua Kat en essayant de taquiner Jessie elle aussi. Comment ça se passe avec Ryan ?

Ce fut au tour de Jessie de rougir.

– Ça se passe bien, dit-elle. On se met d’accord sur l’endroit où on passe la nuit, mais c’est habituellement chez moi à cause de Hannah.

– Et ça ne te gêne pas de vivre dans le péché avec une jeune fille impressionnable sous ton toit ? demanda Kat avec un sourire taquin aux lèvres.

– Crois-moi, cette fille en a vu tellement que je ne crois pas qu’elle soit troublée que le petit copain de sa sœur vienne passer la nuit chez elle. Je crois plutôt qu’elle trouve ça rassurant.

– On verra si elle sera si rassurée quand vous tomberez tous dans le gouffre de Hadès, persista Kat tout en essayant de ne pas rire en le disant.

– Tu trouves ça vraiment drôle, n’est-ce pas ?

– T’as pas idée.

Malgré ces taquineries, Jessie se permit d’apprécier le moment. Pendant quelques secondes au moins, elle pouvait oublier qu’elle craignait que sa petite sœur soit une sociopathe ou qu’elle ou son petit copain se fassent abattre au travail. Elle pouvait faire comme si elle avait une vie normale avec des problèmes familiaux et relationnels normaux.

Ensuite, le moment passa.




CHAPITRE CINQ


Jessie eut de la chance.

Juste après 8 heures du matin, quand elle entra dans la grande salle du Poste Central de la Police de Los Angeles dans le centre-ville en essayant de rester discrète, il y avait beaucoup d’activité. La brigade des mœurs avait mené un grand raid la nuit d’avant et démantelé un réseau de prostitution important. Le poste tout entier était rempli de prostituées, de proxénètes et de clients de prostituées.

Par conséquent, personne ne la remarqua quand elle se faufila jusqu’à son bureau. Même Ryan, qui aidait un policier en uniforme à maîtriser un client en colère, ne la vit pas passer. De son côté, elle ne put s’empêcher de le remarquer. Même si cela faisait maintenant quelques mois qu’ils étaient ensemble et même si elle connaissait intimement les contours de son corps, elle ne s’était jamais lassée de son charme extrême.

Avec un mètre quatre-vingts et un peu moins de quatre-vingt-dix kilos, il n’était pas physiquement imposant mais, comme elle le savait personnellement, il n’y avait pas un gramme de graisse sur son corps musclé de trente-deux ans. Malgré son torse ciselé, Ryan dégageait une modestie et une chaleur humaine étonnantes pour un inspecteur vétéran spécialisé dans les homicides. Il souriait souvent et, comme ses cheveux noirs étaient coupés court, ils ne cachaient pas la gentillesse de ses yeux marron.

Quand il parlait, la douceur de sa voix ne suggérait en rien qu’il était l’inspecteur le plus connu de la Section Spéciale Homicides du poste, ou SSH, qui enquêtait sur les affaires à profil élevé ou suivies de près par les médias, souvent avec plusieurs victimes et avec des tueurs en série. Jessie se disait parfois que, comme il était capable de faire ce travail tout en ayant une relation avec elle, on devrait lui décerner une médaille spéciale.

Jessie arrêta de penser à son petit copain, s’assit et sortit le dossier de l’affaire des femmes enlevées. Il y avait peu d’informations et cela devait être en grande partie parce que les femmes avaient toutes eu les yeux bandés pendant la plus grande partie de leur emprisonnement et n’avaient pas grand-chose à révéler à la police.

Après s’être familiarisée avec les événements autant que possible, elle décida d’appeler l’inspecteur principal qui s’occupait de l’affaire de Morgan Remar. D’abord, c’était l’affaire la plus importante pour Kat. Ensuite, l’inspecteur du Poste du Pacifique auquel on avait attribué cette affaire, Ray Sands, avait un parcours exemplaire et la bonne réputation d’un homme qui préférait résoudre les affaires que suivre strictement la procédure. Il accepterait peut-être de l’aider.

– Inspecteur Sands, dit-il en décrochant avant la fin de la première sonnerie.

– Bonjour, inspecteur Sands, dit-elle aussi nonchalamment que possible. Je m’appelle Jessie Hunt. Je suis profileuse criminelle au Poste Central. Comment allez-vous ce matin ?

– Je suis très occupé, Mme Hunt. Que puis-je faire pour vous ? demanda-t-il, poli mais terre à terre.

– J’espérais pouvoir vous consulter sur une affaire sur laquelle vous travaillez ces temps-ci.

– Quelle affaire ? demanda Sands d’un ton méfiant.

– L’enlèvement de Morgan Remar. J’espérais que vous pourriez m’aider à élucider quelques mystères.

– En quoi cette affaire vous intéresse-t-elle, Mme Hunt ? J’ai entendu parler de vous. Je croyais que vous étiez spécialisée dans les homicides, surtout avec tueurs en série.

– C’est exact, concéda Jessie.

Décidant qu’elle aurait plus de chances d’arriver à ses fins si elle se montrait franche, elle lui dit la vérité.

– En fait, je m’intéresse à cette affaire pour une amie, Katherine Gentry. Mme Remar l’a embauchée comme détective privée et elle a eu du mal à obtenir des informations sur la progression de l’affaire.

– Oui. Je connais Mme Gentry, répondit-il d’un ton fatigué. Elle a assurément été … persévérante. Je vais vous dire ce que je lui ai dit. À l’heure actuelle, nous n’avons guère d’informations intéressantes susceptibles d’être partagées.

Jessie eut l’impression que Sands était un homme respectable mais comprit qu’il ne lui disait pas vraiment tout.

– Inspecteur, me dites-vous que, au bout d’un mois et de trois enlèvements par ce qui semble être le même coupable, vous n’avez pas de pistes exploitables ?

Jessie n’avait pas pu cacher son scepticisme et Sands mit quelques secondes à répondre.

– Écoutez, Mme Hunt, dit-il très lentement en prononçant distinctement chaque syllabe, vous émettez pas mal d’hypothèses. La première est que ces affaires sont liées.

– Suggérez-vous qu’elles ne le sont pas ? demanda Jessie, étonnée.

– Nous ne le savons pas avec certitude, dit-il de manière peu convaincante. Tous les enlèvements se sont produits dans des juridictions différentes. Toutes les femmes ont été retrouvées loin des endroits où elles ont été enlevées.

– Pourtant, elles ont toutes été détenues à peu près le même nombre de jours avant de s’échapper, répliqua Jessie. Elles ont toutes été détenues dans des espaces restreints. Elles appartenaient toutes à peu près à la même couche de la société. Vous ne prétendez quand même pas qu’il n’y a aucun lien ?

– Non, admit-il, mais les inspecteurs qui enquêtent sur les autres enlèvements ne sont pas tous de cet avis. De plus, comme je soupçonne que vous allez les appeler après m’avoir parlé, je tiens à préciser que nous n’avons tiré aucune conclusion.

Jessie soupira. Elle comprenait la prudence de Sands, mais c’était incroyablement frustrant.

– Écoutez, inspecteur, je comprends. C’est politiquement sensible. De plus, même si vous ne me connaissez pas, sachez que Kat Gentry est une bonne amie et qu’elle essaie d’aider une jeune femme qui a très peur. J’essaie juste de trouver quelques réponses susceptibles de la tranquilliser.

– Vous vous imaginez que je ne sais pas que Morgan Remar a peur ? demanda Sands, qui eut l’air vraiment en colère pour la première fois. C’est moi qui l’ai interrogée à l’hôpital pendant que les docteurs lui greffaient de la peau et essayaient de réparer la cheville qu’elle avait détruite pour s’extraire de cette penderie à coups de pied. C’est moi qui ai dû lui dire qu’il n’y avait aucune preuve exploitable à l’endroit où elle avait été détenue. Cela fait deux semaines complètes que je travaille sur cette affaire et, tout ce temps-là, mes collègues inspecteurs des postes de Mid-Wilshire et de West Los Angeles ne m’ont communiqué aucune information. On ne m’a accordé un groupe de travail que ce matin. Je suis conscient de la situation, Mme Hunt.

– Je suis désolée, dit Jessie, consciente d’avoir gravement gaffé. Je ne voulais pas dire que cela ne vous intéressait pas. Je … je suis désolée.

Sands resta muet. Elle l’entendit respirer lourdement, mais elle considéra que le fait qu’il n’ait pas raccroché était un bon signe. Avant qu’il ne le fasse, elle essaya de changer d’approche.

– Vous avez dit qu’on vous a accordé un groupe de travail ce matin ?

– Oui, marmonna-t-il.

– Puis-je demander ce qui a provoqué cela ?

– Il y a eu un quatrième enlèvement, dit-il.

– Quoi ?

– On a retrouvé la victime à Griffith Park tard hier soir, dit Sands. Le mode opératoire était le même mais, cette fois-ci, elle a été détenue dans une cage pour chien pendant quatre jours.

– Incroyable, marmonna Jessie à voix basse.

– Certes, convint-il. C’est ce dernier enlèvement qui a finalement poussé les gens du quartier général à outrepasser les capitaines des autres postes et à nous forcer à mettre nos ressources en commun. Nous espérons être disponibles cet après-midi.

– Qui est à la tête de cette équipe ?

– Votre serviteur.

– Pas étonnant que vous soyez aussi chatouilleux, dit-elle avant de se rendre compte qu’il risquait de ne pas interpréter sa réponse avec l’humour avec lequel elle l’avait formulée.

– Vous plaisantez ? Je suis au sommet de mon charme, dit-il, clairement pas du tout offensé.

– OK. Tant que je vous ai dans une humeur que vous considérez bonne, puis-je vous poser une autre question insultante ?

– Allez-y, dit-il. J’ai l’habitude, maintenant.

– Quatre enlèvements et pas une seule piste sur l’identité du ravisseur. Pourtant, toutes les femmes ont réussi à s’évader. Ne semble-t-il pas étrange qu’un coupable aussi doué pour enlever ces femmes soit à ce point incapable de les garder ?

– Effectivement, dit Sands sans développer.

– Vu votre hésitation riche de sens, puis-je supposer que vous doutez autant que moi que ces femmes se soient vraiment « évadées » toutes seules ?

– Vous le pouvez, dit Sands. Bien que tout le monde ne soit pas d’accord avec moi, je crois très fortement que cet homme, car nous savons que c’est un homme, a permis à ses victimes de s’échapper.

– Qu’est-ce qui vous en rend si sûr ? demanda Jessie.

– Vous avez bien remarqué qu’il semble excessivement improbable que l’homme qui a capturé toutes ces femmes sans se faire attraper puisse être aussi mauvais pour ce qui est de les retenir, mais il y a autre chose.

– Quoi ?

– Nous avons trouvé les endroits où il détenait chaque femme. À aucun de ces endroits il n’y a eu de traces d’ADN exploitable, d’empreintes digitales ou de preuves incriminantes de quelque sorte que ce soit. Il est difficile d’être aussi efficace quelles que soient les circonstances, comme vous le savez, mais presque impossible s’il est reparti là-bas, a constaté que ses prisonnières s’étaient évadées et a dû nettoyer les lieux en toute hâte.

– Sauf s’il les a laissées partir, dit Jessie.

– C’est vrai, convint Sands. S’il leur a permis de s’évader à un moment de son choix, cela a dû lui donner le temps de nettoyer après leur départ. Je soupçonne qu’il a été prudent dès le moment où il les a emmenées dans leurs lieux de détention parce qu’il savait que ces lieux finiraient par être découverts et méticuleusement fouillés.

– Pourquoi ferait-il ça ? demanda Jessie. Pourquoi risquer de les laisser partir alors qu’elles pourraient l’identifier plus tard ?

– N’oubliez pas qu’elles avaient les yeux bandés.

– Pas quand il les a capturées.

– Non, concéda-t-il, mais les trois premières victimes étaient toutes certaines qu’il portait un déguisement complexe.

– Pourtant, elles pourraient évaluer sa taille, son poids, son origine ethnique. Elles pourraient reconnaître sa voix.

– C’est vrai, dit Sands.

– J’ai l’impression que quelque chose nous échappe, dit Jessie d’une voix songeuse.

– Moi aussi, convint Sands. Malheureusement, je n’ai aucune idée de ce que c’est.




CHAPITRE SIX


Jessie prenait un risque.

Ce n’était pas parce qu’elle n’avait pas d’affaires en cours que le capitaine Decker apprécierait qu’elle s’en aille à Brentwood pour enquêter sur une affaire qui ne la concernait en rien, et pourtant, c’était exactement ce qu’elle faisait.

Caroline Gidley, la victime découverte la veille au soir, était inconsciente et incapable de parler. L’inspecteur Sands avait averti Jessie que Jayne Castillo, la troisième victime, ne voulait pas qu’on l’interroge. De plus, comme la cliente de Kat, Morgan Remar, n’était pas en ville pour l’instant, Jessie n’avait plus qu’une personne à qui parler.

Quand elle avait demandé à Sands si ce serait une erreur d’essayer de parler à la première victime, Brenda Ferguson, il lui avait dit que les inspecteurs du poste de West Los Angeles, qui traitaient les affaires situées à Brentwood, ne seraient pas contents, mais il n’avait pas non plus formellement demandé à Jessie d’y renoncer. Même si elle le connaissait très peu, Jessie avait considéré que c’était la seule autorisation qu’elle obtiendrait jamais de lui.

Ryan avait généreusement accepté de s’arranger pour que, au poste, le capitaine Decker ne soit pas au courant de l’absence de Jessie. Juste avant de s’arrêter devant la maison des Ferguson, elle l’avait appelé.

– Comment ça se passe là-bas ? demanda-t-elle.

– Decker est tellement occupé à gérer les suites du raid de la brigade des mœurs qu’il n’a même pas remarqué ton absence.

– Je ne sais pas si je dois me sentir soulagée ou insultée, répondit-elle.

– Si ça peut te consoler, tu me manques, dit Ryan.

Confortée par cette certitude, elle sortit de sa voiture et se dirigea vers la maison. Elle n’avait pas prévenu Ferguson de sa venue de peur que la victime ne le dise aux inspecteurs assignés à l’affaire. De plus, elle avait souvent constaté qu’elle obtenait des informations plus utiles quand elle prenait par surprise un témoin, un suspect ou même une victime. La surprise les empêchait d’organiser leurs pensées et de supprimer des informations utiles.

La maison était impressionnante, mais beaucoup moins tape-à-l’œil que certaines autres de la même rue bordée d’arbres. De deux étages, elle était de style espagnol et couvrait beaucoup de surface sur son grand terrain. Rien que la pelouse de devant aurait pu accueillir une seconde maison. Jessie frappa à la porte et dut attendre une bonne minute avant qu’un homme de la trentaine ne vienne lui ouvrir avec une expression méfiante.

– Puis-je vous aider ? demanda-t-il prudemment.

– Je l’espère. Je suppose que vous êtes le mari de Mme Ferguson ?

– Oui. Je suis Ty.

– Bonjour, Ty, dit Jessie de sa voix la plus chaleureuse et la moins intimidante. Je m’appelle Jessie Hunt. Je suis profileuse criminelle pour la Police de Los Angeles. Je sais que Brenda a beaucoup souffert, mais j’espérais pouvoir lui parler brièvement. J’essaie de créer un profil de l’homme qui l’a enlevée et le dossier de l’affaire ne m’apprend pas grand-chose. Par respect pour ce qu’elle a subi, j’ai attendu autant que je l’ai pu, mais il me serait extrêmement utile de lui parler en chair et en os.

Jessie n’était pas fière de se présenter en proférant des mensonges qui, bien qu’inoffensifs, étaient quand même des mensonges, mais il lui fallait une porte d’entrée dans l’affaire et celle-ci semblait être la plus efficace. Ty ne lui claqua pas la porte au nez, mais il eut quand même l’air réticent.

– Écoutez, dit-il doucement en regardant par-dessus son épaule tout en parlant, je sais que vous ne faites que votre travail, mais Brenda en a déjà trop subi. Elle n’a recommencé à dormir toute la nuit que ces quelques derniers jours. Je crains que votre intervention ne rouvre toutes ces blessures.

Jessie sentait que son désir de protéger sa femme allait prendre le pas sur ses bonnes intentions et décida que le moment était venu d’être plus directe.

– Je ne peux pas vous promettre que ça n’aura pas cet effet, Ty, mais j’essaie de découvrir qui est cet homme pour qu’il ne fasse plus de mal aux femmes. Je ne sais pas si vous le savez, mais une quatrième victime a été découverte hier, en fin de soirée.

– Non ! dit Ty en écarquillant les yeux.

– Si. Elle est à l’hôpital, pour l’instant. Elle s’est gravement cassé une jambe en s’évadant après quatre jours passés dans une cage pour chien. Franchement, rien ne prouve que cet homme va s’arrêter dans les jours qui viennent. J’espère que, avec l’aide de Brenda, nous pourrons le retrouver avant qu’il ne s’en prenne à une cinquième femme.

Ty avait encore l’air indécis, mais Jessie vit que, maintenant, il avait plutôt envie de la laisser entrer. Il se retourna à nouveau vers le hall.

– Attendez ici, dit-il finalement. Laissez-moi lui parler d’abord. Je pourrai peut-être la convaincre.

– Merci, dit Jessie en entrant dans le vestibule.

Ty disparut dans une piГЁce inconnue au bout du vestibule. Jessie entendit des murmures Г©touffГ©s et agitГ©s pendant plusieurs minutes puis Ty passa finalement la tГЄte par la porte.

– Entrez, appela-t-il. Veuillez fermer et verrouiller la porte derrière vous.

Jessie hocha la tête, fit ce qu’on lui demandait puis partit dans le vestibule. Quand elle passa le coin, elle trouva Ty qui venait s’asseoir à la table du petit déjeuner à côté d’une femme ronde aux cheveux foncés à l’air épuisé et aux yeux rouges. Elle n’avait pas l’air heureuse de recevoir quelqu’un.

– Bonjour, Mme Ferguson, dit Jessie d’une voix éraillée. Merci d’avoir accepté de me parler.

– Je n’ai accepté que parce que Ty m’a supplié de le faire. Il m’a parlé de la quatrième femme. Comment va-t-elle ?

– Elle va survivre, lui dit Jessie. On l’a retrouvée sur un chemin de terre dans Griffith Park avec une jambe cassée et plusieurs autres blessures mais, d’après ce que je crois savoir, elle sera capable de rentrer chez elle avant la fin de la semaine.

– Est-ce qu’elle est mariée ? A-t-elle des enfants ?

– Je ne crois pas, dit Jessie.

– Tant mieux. C’est déjà assez grave d’avoir à supporter ce genre d’événement. En ce qui me concerne, le reste de la famille a souffert presque autant que moi. Ma fille vient dans notre chambre en pleurant presque toutes les nuits et mon fils a commencé à mouiller son lit. Ty gère tout ça et je vois bien qu’il est sur le point de craquer.

– Ça va, ma chérie, dit Ty en lui serrant la main. Je vais bien. Quant aux enfants, ils iront mieux. Pense à toi. Je crois que ça pourra être utile. Si Mme Hunt découvre un nouveau moyen d’identifier cet homme, ça aidera tout le monde à mieux dormir la nuit.

– Croyez-vous que vous pourrez le faire, Mme Hunt ?

– Appelez-moi Jessie, je vous prie. Avec votre aide, j’espère bien y arriver.

Brenda la contempla de ses yeux fatiguГ©s et hocha la tГЄte.

– Venez avec moi, Jessie, dit-elle. Je veux vous montrer quelque chose.

Elle se leva sans dire un autre mot et quitta la pièce. Jessie la suivit en jetant un coup d’œil à Ty qui, derrière elle, haussa les épaules et se leva. Brenda emmena Jessie dans le vestibule et s’arrêta à une bibliothèque qui se trouvait au milieu.

Elle tendit la main et tira sur un livre à la tranche rouge posé à hauteur de taille à l’extrémité droite de l’étagère. Le livre sortit légèrement puis se remit en place avec un claquement. Jessie entendit un léger clic. Soudain, la bibliothèque recula comme une porte et dévoila un espace derrière elle.

Une lumière fluorescente un peu terne s’alluma au plafond et ils virent une pièce qui faisait à peu près la taille d’un petit bureau. Contre un mur, il y avait une petite causeuse. À côté d’elle, il y avait deux chaises en bois. Ces trois meubles entouraient tous une petite table basse. Dans le coin, on voyait un minuscule réfrigérateur.

Mis à part quelques magazines et quelques cahiers de coloriage avec leurs crayons, l’endroit n’offrait aucune distraction. Un téléphone filaire à l’ancienne était fixé à un mur. Sur un autre mur, il y avait un grand poster avec la couverture de l’album Nevermind de Nirvana, sur laquelle un bébé qui nageait sous l’eau tendait une main vers un billet d’un dollar.

– C’est cool, dit Jessie en désignant le poster parce qu’elle ne savait pas quoi dire d’autre.

– Sans doute, dit Brenda. Nous l’avons utilisé parce qu’il est assez grand pour couvrir l’ouverture du tunnel que nous avons fait creuser sous la maison et qui mène à la cour de devant.

– OK, répondit Jessie, étonnée par le ton inexpressif que Brenda avait employé pour décrire une situation aussi peu conventionnelle.

– Je vous montre ça parce que je voulais que vous compreniez à quoi ressemble notre vie, maintenant. Après mon retour à la maison, j’ai demandé à Ty de faire construire cette pièce de survie. Je ne sais pas si elle serait utile en cas d’urgence, mais je n’ai pas pu dormir plus de deux heures à la suite avant qu’elle soit terminée.

– Je comprends, dit doucement Jessie.

– Vraiment ? demanda Brenda d’un ton de défi.

– Oui, vraiment, lui assura Jessie. Je ne vous ennuierai pas avec les détails, mais j’ai connu plusieurs harceleurs. J’ai fait refaire mon appartement pour y intégrer plusieurs mesures de sécurité couramment utilisées par les banques et les bâtiments gouvernementaux. Ensuite, même après élimination des menaces imminentes contre ma sécurité, j’ai conservé ces mesures. Donc, je comprends votre démarche.

Jessie remarqua que, pour la première fois, Brenda la regardait en l’envisageant comme alliée potentielle.

– Je suis désolée pour ce qu’il vous est arrivé, dit-elle, et vous pouvez m’appeler Brenda.

Jessie sourit.

– Merci, Brenda. Vous voulez bien vous asseoir ? demanda-t-elle en désignant la causeuse d’un hochement de tête.

– Là-dedans ?

– Autant s’y habituer, n’est-ce pas ? dit Jessie.

Brenda regarda son mari, qui n’avait pas dit un mot pendant tout ce temps. Il haussa à nouveau les épaules.

– J’attendrai dans la cuisine pour que vous soyez tranquilles, toutes les deux.

Après son départ, Brenda appuya sur un bouton qui se trouvait sur le mur et la porte se referma et se positionna avec un clic. Brenda désigna un petit interrupteur qui semblait correspondre à l’endroit où le livre rouge était sur l’étagère du dehors. On y voyait les inscriptions « Verrouillé » et « Déverrouillé ».

– Cela sert à ce que personne ne puisse accéder à cette pièce pendant que nous y sommes, même si les intrus savent à quoi sert le livre, dit Brenda.

– Bien vu, dit Jessie. Autrement, ce ne serait pas vraiment une pièce de survie, n’est-ce pas ?

Décidant de prendre l’initiative, elle se rendit à la causeuse et s’assit. Brenda s’assit elle aussi mais sur une des chaises avoisinantes.

– Bon, commença Jessie, je sais que vous avez parlé plusieurs fois aux policiers. J’ai lu le dossier. Donc, je vais essayer de ne pas trop répéter leurs questions. En fait, je ne suis pas intéressée par les mêmes sortes de choses qu’eux.

– Quelles choses vous intéressent ? demanda Brenda en croisant et en décroisant nerveusement les jambes.

– D’après les descriptions fournies par vous et les deuxième et troisième victimes, je sais que votre ravisseur portait des déguisements complexes, notamment des perruques, des barbes et des prothèses. Je sais aussi qu’il vous a bandé les yeux à toutes après votre enlèvement initial. Donc, maintenant, je veux me concentrer plus sur sa voix. Est-ce que vous vous en souvenez ?

– Je n’arrive pas à me la sortir de la tête, dit Brenda, même s’il ne parlait que très peu.

– Pouvez-vous décrire son timbre ? demanda Jessie. Était-ce une voix grave ou aiguë ? Ou entre les deux ?

– Entre les deux ; c’était une voix normale, de timbre moyen.

– OK, dit Jessie. Avait-il un accent ? Avez-vous remarqué quoi que ce soit qui y ressemblait ? Peut-être un ton nasillard ? Or un ton plus plat du Midwest ? Peut-être quelque chose qui vous rappelait New York ou la Nouvelle-Angleterre ? A-t-il utilisé des mots qu’on n’entend habituellement pas par ici ?

– Je n’ai rien remarqué d’inhabituel, dit Brenda en fronçant les sourcils pour se concentrer. Je suis de Los Angeles et il me semblait avoir une voix normale. Donc, il est peut-être d’ici, lui aussi ?

– C’est tout à fait possible, dit Jessie de manière encourageante. Et son niveau de langue ? Utilisait-il beaucoup d’argot ou un anglais plus raffiné ? Vous semblait-il avoir beaucoup d’éducation ?

Brenda prit un moment pour fouiller sa mГ©moire.

– Je ne me souviens pas qu’il ait parlé de manière raffinée, mais il ne me semble pas non plus qu’il ait employé beaucoup d’argot. C’était en grande majorité une langue standard et directe.

– Est-ce qu’il parlait avec une rapidité ou une lenteur inhabituelle ?

À cette question, les yeux de Brenda s’illuminèrent.

– Peut-être un peu plus lentement que d’habitude, répondit-elle. C’était comme s’il voulait être sûr de dire exactement la bonne chose quand il parlait. Il était très mesuré. Est-ce que ça vous aide ?

– Ça pourrait, dit Jessie. Cherchons ailleurs. Avez-vous remarqué une odeur particulière ?

Brenda resta muette et rougit.

– Que se passe-t-il ? demanda gentiment Jessie.

Elle crut que Brenda n’allait pas répondre mais, après plusieurs longues secondes, elle finit par le faire.

– Pour être honnête, murmura-t-elle presque, je ne me souviens pas qu’il ait eu une odeur. Ce qu’il avait utilisé pour me faire perdre conscience quand il m’avait capturée avait une odeur accablante. Après ça, je n’ai pu sentir que ma propre puanteur, d’abord la sueur et mes odeurs corporelles puis, plus tard, mes … mes propres excréments.

Elle baissa les yeux et ne dit plus rien.

– OK, passons à autre chose, proposa rapidement Jessie. Et si on parlait de la façon dont il se comportait, plus généralement, quand vous étiez prisonnière ?

Au cours de la demi-heure qui suivit, Jessie apprit que l’homme ne se mettait jamais dans une colère excessive mais qu’il s’irritait dès qu’elle parlait de son mari ou de ses enfants. Brenda avait très vite appris à ne pas parler d’eux. L’homme ne riait jamais, mais il avait l’air plus heureux que d’habitude quand il déposait sa nourriture et son bol d’eau dans la cabane à outils ou quand il la lavait au jet d’eau.

– Il semblait prendre plaisir à me voir dégradée, dit Brenda à Jessie. Il a dit que ça faisait partie du processus de « purification ».

Après ça, elle éclata en sanglots et ne fut plus d’une très grande utilité. Jessie mit fin à l’interrogatoire avant que la situation ne dégénère complètement. Quand elles eurent terminé, les deux Ferguson emmenèrent Jessie à la porte. Brenda avait l’air légèrement mieux que quand elles s’étaient rencontrées. Quand ils sortirent, Brenda eut une question à poser à Jessie.

– Croyez-vous que vous pourriez nous donner le nom des gens qui ont sécurisé votre appartement ?

– Bien sûr, dit Jessie, submergée par la compassion. Je vous l’enverrai par SMS.

Quand elle repartit à sa voiture, elle réfléchit à des quantités de variations alternatives sur l’identité possible du ravisseur. Ce ne fut que quand elle fut juste à côté de sa voiture qu’elle se rendit compte que tous ses pneus avaient été crevés.




CHAPITRE SEPT


Jessie ignora son inquiГ©tude soudaine et scruta les alentours pour y chercher quelque chose de louche.

C’était une action étonnamment éhontée, au milieu de la journée, dans une rue calme d’un quartier cossu. Celui qui l’avait fait n’avait visiblement pas peur qu’on le surprenne.

Jessie ne vit rien de louche. À environ un demi-pâté de maisons, dans la rue, il y avait un camion blanc face à elle. Cependant, une seconde plus tard, elle vit deux hommes émerger de l’arrière en portant un grand sofa vers une maison voisine.

Quelques moments plus tard, elle vit un policier à moto tourner dans une rue voisine et s’éloigner d’elle. Il semblait mener une surveillance standard. Était-ce juste de la malchance qu’il n’ait pas été dans le coin quand ses pneus avaient été crevés ? Ou y avait-il autre chose ?

Elle ne voulait pas tirer cette dernière conclusion mais ne put s’empêcher de l’envisager. Seulement un mois auparavant, elle avait été profondément impliquée dans une affaire qui avait mis à jour un énorme scandale de corruption dans la police. Cette opération avait mené à l’arrestation de plus d’une dizaine d’agents, dont le directeur du Groupe d’Enquêtes de la Police de Los Angeles et le sergent Hank Costabile du poste de Van Nuys du Bureau de la Vallée.

Pendant son enquête, Costabile les avaient menacées subtilement puis, plus tard, ouvertement toutes les deux, elle et Hannah. Ce sabotage avait-il été effectué par un de ses compagnons pour se venger de l’incarcération de son copain ? Si tel était le cas, pourquoi attendre un mois et faire quelque chose d’aussi aléatoire et mesquin ?

Ou alors, était-il possible que ce soit d’une façon ou d’une autre lié aux enlèvements ? Est-ce que le ravisseur surveillait la maison des Ferguson ? Était-ce sa façon de décourager Jessie de poursuivre l’enquête ? Cela semblait peu probable, car elle doutait qu’il soit présent dans ce quartier-là. Même s’il l’était, il n’aurait eu aucun moyen de savoir que Jessie, qui était en civil, enquêtait sur l’affaire.

Quel que soit le coupable et son mobile, cela ne changeait rien au fait qu’elle avait besoin d’une dépanneuse. Pendant qu’elle l’attendait, elle appela Ryan pour l’informer aussi bien sur son interrogatoire que sur ses pneus crevés. Elle lui fournit tous les détails en espérant qu’il penserait à une chose qui lui aurait échappé.

– Ce pourrait juste être une bande de gosses détestables, proposa-t-il en parlant des pneus crevés.

– Peut-être, concéda Jessie, mais on est au milieu d’une journée d’école. Même si quelques gosses ont séché les cours, pourquoi traverseraient-ils tout le quartier pour crever les pneus d’une seule voiture ? Ce vandalisme me paraît être beaucoup plus concentré sur une cible spécifique.

– Tu as probablement raison, admit-il. As-tu eu plus de chance avec la victime du kidnapping ?

– Un peu, dit Jessie. Malheureusement, ce qu’elle m’a dit sera plus utile quand nous aurons un suspect en tête. Avant cela, ça ne nous apporte pas grand-chose. As-tu des nouvelles ?

– Pour être honnête, je me suis concentré sur mon témoignage, cet après-midi. Si je n’avais pas ça à faire, je viendrais te chercher.

– C’est très gentil mais pas nécessaire. Il te faudrait une heure pour arriver ici et je ne suis pas pressée. Quand j’aurai fait remplacer les pneus et que je serai de retour, il faudra juste que je relise les fichiers de l’affaire Olin.

À l’autre bout de la ligne, il y eut un moment de silence. Jessie se demanda ce qu’elle avait dit de mal.

– Que se passe-t-il ? demanda-t-elle anxieusement.

– Rien, dit-il. Je me disais juste que, quand tu pourrais repartir, il n’y aurait pas vraiment besoin que tu reviennes au poste. Decker est allé au quartier général pour informer les huiles de ce qui s’est passé lors de leur raid dans le milieu de la prostitution. Il ne reviendra pas avant plusieurs heures et, fait rare, tu as très peu de travail, aujourd’hui. Tu devrais peut-être passer l’après-midi avec Hannah sans que je joue la cinquième roue du carrosse.

– Tu n’es pas la cinquième roue du carrosse, protesta-t-elle.

– Tu sais ce que je veux dire. Je t’ai vue souvent, ces derniers temps. Ça pourrait vous donner l’occasion de passer un peu de temps entre filles. De plus, si Hannah décidait de profiter de l’occasion pour te révéler quelque chose de personnel, ça ne serait pas du temps perdu.

Jessie fut Г©tonnГ©e par cette suggestion.

– Est-ce qu’elle t’a donné l’impression qu’elle voulait le faire ? demanda-t-elle.

Quelque chose lui avait-il échappé ?

– Les filles de dix-sept ans n’ont-elles pas toujours des expériences personnelles qu’elles gardent pour elles-mêmes, même si elles ne subissent pas toutes les mêmes choses que Hannah ?

– Oui, dit Jessie. Je voulais juste m’assurer que tu ne faisais pas énigmatiquement allusion à quelque chose de spécifique.

– Non. Je sais seulement que Hannah est allée voir la psychologue, la docteure Banane.

– La docteure Lemmon, corrigea Jessie en essayant de ne pas rire.

– D’accord, d’accord. Je savais que c’était un nom de fruit. Et puis, tu as aussi demandé à Garland Moses de l’examiner.

– Tu savais que c’était lui hier soir ?

– Je suis un très bon inspecteur. De plus, tu lui as attribué une sonnerie spécifique et tu as dit « Bonjour, Garland » quand il a appelé. Donc, j’en suis sûr.

– Donc, ça n’a pas grand-chose à voir avec tes capacités, n’est-ce pas ? dit-elle pour le taquiner.

– De toute façon, répondit-il sans la laisser détourner la conversation, je me suis dit qu’elle pourrait peut-être apprécier une occasion de bavarder avec une personne qui ne lui parle pas d’un point de vue professionnel, comme, tu sais, une grande sœur.

Jessie se rendit compte qu’il avait raison. Elles s’entendaient formidablement bien, ces derniers temps, elle et Hannah. Cependant, à la plupart des moments où elles pouvaient se distraire ensemble, Ryan était là. Il était un excellent médiateur, mais il pouvait aussi empêcher involontairement Hannah d’aborder des sujets trop lourds avec Jessie. Si elles passaient un peu de temps entre sœurs, Hannah en viendrait peut-être à s’ouvrir, en supposant qu’elle en ressente le besoin.

– Ryan Hernandez, dit-elle, se sentant soudain joyeuse contre toute attente vu l’état de son véhicule, tu n’es ni la personne la plus idiote ni la moins perspicace que je connaisse.

– Euh … merci.

– Tu as aussi un joli cul.

Elle l’entendit s’étrangler sur la boisson dont il venait de prendre une gorgée. Contente d’elle-même, elle raccrocha.


*

Hannah fut clairement et agréablement surprise quand Jessie alla la chercher directement à l’école. Elle devint extrêmement enthousiaste quand elle apprit qu’elles allaient s’arrêter acheter de la glace en retournant à la maison.

– Pourquoi ne travailles-tu pas ? finit-elle par demander à contrecœur quand elles commandèrent leurs cornets dans une boutique proche de l’appartement.

– Je ne suis pas occupée pour l’instant, dit Jessie, et je voulais passer du temps avec toi. Tu sais, sans ce mec dégueulasse.

– Dégueulasse, ce n’est pas le premier mot qui me vient en tête quand je pense à ton petit ami, dit Hannah.

– Fais attention, dit Jessie en faisant semblant de la réprimander. Nous ne sommes pas forcées de partager tous nos sentiments dès que nous les ressentons.

Hannah sourit, visiblement amusée d’avoir réussi à embarrasser sa sœur.

– Je ne savais pas que les filles de tueurs en série avaient la permission de partager des sentiments, dit-elle d’un air songeur.

Jessie essaya de ne pas bondir trop avidement sur l’opportunité qui se présentait à elle.

– En théorie, nous n’en avons pas le droit, répondit-elle sèchement. Selon la version officielle, nous sommes censées être des automates froids et sans émotion qui essaient pour la forme d’imiter le comportement des êtres humains normaux. Arrives-tu bien à suivre ces règles ?

– Très bien, en fait, répondit Hannah en jouant le jeu. Ça semble me venir tout naturellement. S’il existait une sorte de championnat professionnel, je crois que je serais une excellente participante.

– Moi aussi, convint Jessie en léchant son cornet de glace à la menthe et aux pépites de chocolat. Tu serais probablement la tête de série numéro un du tournoi. Sans me vanter, je crois que je serais une très bonne deuxième tête de série moi-même.

– Tu rigoles ? demanda Hannah en avalant une grande quantité de glace. Tu es au mieux une remplaçante.

– Pourquoi ? demanda Jessie.

– Tu exprimes de l’affection pour les autres. Tu as des amitiés sincères. Tu vis une vraie relation avec une personne à laquelle tu sembles tenir. C’est presque comme si tu étais un être humain normal.

– Presque ?

– Eh bien, soyons honnête, Jessie, dit Hannah. Tu considères encore presque toutes tes interactions avec une personne comme une possibilité de la profiler. Tu te plonges dans ton travail pour éviter les communications difficiles dans ta vie personnelle. Tu te comportes comme une biche qui craint que tous ceux qu’elle rencontre soient des chasseurs envoyés pour l’abattre. Donc, tu n’es pas complètement normale.

– Ouah, dit Jessie, à la fois impressionnée et un peu perturbée par la perspicacité de sa sœur. Tu devrais peut-être devenir profileuse. Rien ne t’échappe.

– Effectivement, ajouta Hannah, tu essaies aussi de minimiser les vérités désagréables en formulant des commentaires narquois.

Jessie sourit admirativement.

– Bien vu, dit-elle. Si tu es aussi consciente de notre immaturité émotionnelle commune, est-ce que cela signifie que les séances avec la docteure Lemmon portent leurs fruits ?

Hannah leva les yeux au ciel pour suggérer à Jessie qu’elle trouvait que sa tentative de détournement de la conversation était particulièrement maladroite.

– Cela signifie que je suis consciente de mes problèmes, pas forcément que je suis capable de les résoudre. Je veux dire, depuis combien de temps vas-tu la voir ?

– Euh … Comme j’ai trente ans, maintenant, ça fait presque dix ans, dit Jessie.

– Et tu es encore torturée, signala Hannah. Ça ne me rend pas très optimiste.

Jessie ne put s’empêcher de rire.

– Tu ne m’as pas connue à cette époque, dit-elle. Par rapport à ce que j’étais à vingt ans, je suis l’image même d’une personne en bonne santé mentale.

Hannah sembla y rГ©flГ©chir tout en prenant une bouchГ©e de son cornet.

– Donc, tu dis que, dans dix ans, je pourrai moi aussi avoir un petit ami beaucoup trop beau pour moi ? demanda-t-elle.

– Qui recourt aux commentaires narquois pour éviter les vérités émotionnelles gênantes, maintenant ? demanda Jessie.

Hannah lui tira la langue.

Jessie rit à nouveau puis lécha à nouveau sa glace. Elle décida de ne plus insister. Hannah s’était plus ouverte qu’elle ne s’y était attendue. Jessie ne voulait pas que cette conversation prenne une tournure parentale conventionnelle.

De plus, elle considérait que, si Hannah acceptait d’admettre qu’elle était vraiment en décalage avec les autres, c’était un bon signe. Les inquiétudes que partageaient Garland et la docteure Lemmon étaient peut-être exagérées. Elle n’avait peut-être aucune raison de craindre constamment que sa demi-sœur soit une tueuse en série en cours de formation. Cette fille n’était peut-être qu’une adolescente qui avait été connu l’enfer et essayait d’en trouver la sortie non sans maladresse.

Regardant Hannah s’essuyer un filet de chocolat du menton, ce fut ce qu’elle décida de croire.

Au moins pour le moment.




CHAPITRE HUIT


Morgan Remar Г©tait Г©puisГ©e.

Son vol de retour de la conférence des Services Sociaux d’Austin était arrivé en retard. Elle était tellement fatiguée qu’elle avait somnolé quand son mari, Ari, l’avait remmenée de l’aéroport. Quand ils étaient arrivés dans leur maison du quartier de West Adams près du centre-ville de Los Angeles, il avait été plus de 23 h.

Elle avait rendez-vous le lendemain matin avec Jessie Hunt, l’amie profileuse de Kat, et elle voulait passer une nuit de sommeil digne de ce nom avant. Bien sûr, cela avait été presque impossible ces derniers temps.

Depuis son évasion, qui remontait maintenant à plus de deux semaines, elle se réveillait au moins trois fois par nuit, parfois en criant, toujours en sueur. Elle ne pouvait s’empêcher de sentir l’odeur de pin de la penderie dans laquelle elle avait été détenue pendant cinq jours. Elle sursautait à chaque fois qu’une porte claquait ou qu’une voiture klaxonnait. Elle craignait que revivre son expérience pour l’amie de Kat ne fasse qu’exacerber ces symptômes.

Ils arrivèrent à la maison et Ari se gara dans l’allée. Aucun d’eux ne sortit de la voiture avant que la barrière de sécurité ne se soit refermée derrière eux. Elle avait été fournie avec la maison quand ils l’avaient achetée deux ans auparavant mais, comme cette maison vieillissante elle-même, qu’ils avaient rénovée lentement, la barrière avait été en mauvais état. Le jour où Morgan s’était évadée, pendant qu’elle s’était remise de ses émotions à l’hôpital, elle avait supplié Ari de faire réparer cette barrière. Quand elle était rentrée à la maison, elle l’avait trouvée en parfait état de fonctionnement.

Cela n’aurait pas dû la surprendre. Ari était la personne la plus gentille et la plus généreuse qu’elle ait jamais rencontrée, exactement le contraire de son premier mari, qu’elle avait quitté sans se sentir coupable. Même avant ces événements récents, Ari avait fait preuve d’une patience impressionnante envers le caractère de sa femme, qu’elle savait orageux. Depuis l’enlèvement, il avait quasiment été un saint. Il l’avait emmenée chez le psychologue, l’avait massée, avait préparé tous les repas et l’avait tenue contre lui pendant des heures.

– Tu es réveillée ? demanda-t-il gentiment quand elle s’étira sur le siège passager.

– Oui, dit-elle en baillant.

Elle avait étonnamment faim. Les cookies au sucre qu’on lui avait offerts dans l’avion n’avaient pas suffi.

– Tu veux que je te prépare quelque chose ? proposa-t-il.

– Non. Je sais que tu es épuisé. Et puis, je suis une grande fille. Je peux me préparer un en-cas toute seule.

– Vraiment ? dit-il d’un ton gentiment taquin.

Elle fit malicieusement la grimace, sortit de la voiture et se rendit à la porte latérale de la maison en boitant et en essayant de ne pas trop appuyer sur le grand plâtre qu’elle avait à la jambe gauche. Elle faisait semblant de ne pas y penser parce que, si elle y pensait, cela signifiait aussi qu’elle serait forcée de se souvenir pourquoi elle l’avait. Or, elle ne voulait pas se souvenir de la manière dont elle avait défoncé la porte de penderie en bois que son ravisseur avait mal verrouillée. Elle ne voulait pas se souvenir du son que sa cheville gauche avait produit quand elle s’était fendue et courbée dans le mauvais sens lors du coup final qui avait ouvert la porte de la penderie. Elle repoussa cette pensée.

Quand Ari porta son sac dans la maison, elle sourit, peut-être pour la première fois de toute la journée. C’était agréable d’être de retour chez soi, avec le seul homme en lequel elle pouvait avoir confiance. C’était agréable de savoir que, le lendemain, elle rencontrerait une personne qui, selon Kat, ferait forcément avancer l’enquête.

Morgan avait parfaitement su qui était Jessie Hunt avant que Kat l’ait mentionnée. Cette femme avait damé le pion à deux tueurs en série avant d’avoir trente ans. Elle avait échappé à la tentative d’assassinat de son propre mari, qui semblait être cent fois pire que l’ex de Morgan. De plus, elle paraissait imperturbable en dépit de son passé tourmenté, ou du moins pendant les interviews. Pour être honnête, Morgan était un peu impressionnée.

Cependant, Kat lui avait assuré que Jessie était accessible en tant que personne et qu’elle tenait énormément à obtenir justice pour les victimes. Donc, elle allait la rencontrer, même si cela devait lui donner les pires cauchemars dans les jours qui suivraient.

Cependant, tout cela se passerait demain. Ce soir, elle avait besoin d’un en-cas tardif. Pendant qu’elle se rendait à la cuisine en boitant, Ari alla prendre une douche. Il était courtier en marchandises et avait un rendez-vous à 6 heures le lendemain avec l’équipe de la Côte Est. Donc, il prévoyait de se lever, de s’habiller et d’arriver tôt au bureau.

Entendant l’eau se mettre à couler dans la chambre principale au fond du couloir, Morgan fouilla dans le réfrigérateur. Elle voulait quelque chose d’appétissant, mais de pas trop lourd. Il y avait de la dinde en tranches, qu’elle décida de rouler pour en faire une tortilla avec un peu de moutarde épicée. Ça devrait lui permettre de tenir jusqu’au matin.

L’idée d’aller travailler le lendemain après avoir rencontré Jessie lui inspirait un mélange complexe d’enthousiasme et de terreur. La conférence s’était bien déroulée et elle était impatiente de mettre en pratique certains des nouveaux programmes qu’elle avait découverts.

Le refuge pour sans-abris où elle travaillait à Venice était un pilier de la communauté, mais il était aussi lent à adopter les nouvelles techniques d’entrée en contact avec les populations à risque. Pour une partie de la ville aussi stylée et avant-garde, le programme de soins qu’ils employaient était étonnamment traditionnel.

Même si elle était enthousiaste à l’idée de proposer quelque chose de nouveau, elle craignait tout autant de revenir à l’endroit où elle avait été enlevée. Demain, elle y reviendrait pour la première fois après s’être remise à la maison pendant les quelques dernières semaines.

Le refuge avait embauché un vigile supplémentaire pour escorter le personnel entre le parking et le bureau, mais Morgan n’avait pas été enlevée à cet endroit. Elle avait été enlevée pendant qu’elle revenait au bureau après avoir déjeuné sur la promenade du Venice Boardwalk, à seulement quelques pas de la plage de Muscle Beach, célèbre pour sa fréquentation assidue par les célébrités.

Même avec tous ces gens, apparemment, personne n’avait fait attention à l’homme qui était arrivé derrière elle, avait appuyé sur son visage un tissu trempé dans un produit chimique et l’avait jetée, inconsciente, sur le siège arrière d’un véhicule garé à seulement quelques mètres.

Si ce n’avait été pour le petit garçon qui avait assisté à ces événements pendant que sa mère achetait des tee-shirts bon marché sur un étal en plein air de l’autre côté du Boardwalk, même ces détails seraient restés inconnus. Malheureusement, le garçon, qui n’avait que cinq ans, avait été si choqué qu’il n’avait guère pu décrire la scène, sinon pour dire que l’homme était blanc et la voiture bleue.

Comme avec le souvenir de la penderie, Morgan essaya de se débarrasser aussi de cette image. Elle avait tout planifié à plusieurs reprises avec le directeur du refuge. Dorénavant, elle emmènerait son déjeuner et elle mangerait au bureau. Quand elle arriverait au parking, elle appellerait la sécurité et le vigile la retrouverait à sa voiture et l’emmènerait à la porte de devant du refuge. Il ferait la même chose dans l’autre sens à la fin de la journée. Morgan garderait la fonction de géolocalisation de son téléphone activée tout le temps et appellerait Ari quand elle arriverait au travail et quand elle repartirait pour rentrer à la maison.

Elle espérait que, avec l’aide de Kat et de Jessie Hunt, la police attraperait cet homme et qu’elle pourrait reprendre une vie presque normale. Elle savait que trois autres femmes avaient subi la même épreuve qu’elle, dont une qui s’était échappée la veille au soir. Elle ne voulait pas que d’autres femmes connaissent les mêmes souffrances. La réunion de demain serait l’étape suivante qui précipiterait la fin des agissements de leur ravisseur.

Alors qu’elle posait les ingrédients de son en-cas sur l’îlot de la cuisine, elle entendit un bruit métallique fort résonner à l’extérieur. Tout son corps se figea sous la peur. Elle saisit un couteau de boucher dans le présentoir posé sur l’îlot, éteignit la lumière de la cuisine, se rendit à la porte latérale en traînant les pieds et alluma la lumière du porche.

Ce qu’elle vit lui fit pousser un soupir de soulagement. Un raton-laveur essayait agressivement de s’introduire dans une de leurs poubelles verrouillées. Il avait réussi à introduire une patte dans l’ouverture minuscule entre la poubelle et son couvercle, mais il n’avait pas vraiment réussi à aller plus loin. Quand la lumière s’alluma, il tourna prestement la tête vers Morgan et elle aurait pu jurer avoir vu un air coupable lui passer brièvement sur le visage avant qu’il descende de la poubelle d’un bond et se précipite dans l’obscurité.

Elle rit silencieusement. Si un raton-laveur cambrioleur pouvait lui provoquer des palpitations cardiaques, il allait lui falloir un certain temps pour retrouver une vie à peu près normale. À l’intérieur, elle ralluma la lumière et retourna à l’îlot pour préparer son en-cas.

Cependant, quand elle posa le couteau et tendit le bras vers la dinde, elle remarqua que la tortilla avait disparu.

J’aurais juré l’avoir sortie.

Elle se retourna vers le réfrigérateur. À ce moment-là, elle remarqua les empreintes sales de ce qui ressemblait à une botte. Ni Morgan ni Ari ne portaient de chaussures dans la maison. La sensation de peur glaçante qui venait de la quitter revint soudain, comme si un énorme poing gelé lui avait soudain enserré tout le corps. Elle reprit le couteau de boucher. Quand elle jeta un coup d’œil au plan de travail, elle remarqua autre chose. Le petit économe avait disparu du bloc de couteaux.

Elle commença à appeler Ari, mais l’ombre jaillit du cellier derrière elle et plaqua une main sur sa bouche juste avant qu’elle n’ait pu prononcer le nom. Elle essaya de se libérer, mais l’assaillant eut le temps d’enfoncer quatre fois l’économe dans le bas de son dos avant qu’elle ne pense à se servir de son couteau de boucher contre lui.

Morgan haleta sous la main qui lui couvrait la bouche. Elle ne sut pas si elle avait touché son ennemi, car la douleur et le choc l’englobaient trop pour qu’autre chose lui parvienne. Elle perdit le compte du nombre de fois qu’il enfonça le petit couteau dans la peau tendre située au-dessus de ses hanches. À un moment, elle s’effondra au sol.

Elle atterrit durement sur le carrelage de la cuisine et sentit son crâne y rebondir une fois avant de s’immobiliser. Elle était à plat ventre mais, comme elle avait les yeux ouverts, elle vit son agresseur placer délicatement le couteau sur l’îlot avec ses mains gantées. Alors, il se pencha et essuya la lame du couteau de boucher auquel elle s’accrochait encore. Elle ne voyait pas son visage.

– Repens-toi, lui chuchota-t-il à l’oreille.

Alors qu’elle perdait rapidement conscience, Morgan reconnut la voix de son ravisseur et frissonna avec horreur. Il se redressa et baissa les yeux vers elle avec peu d’intérêt avant de partir vers la porte latérale.

Juste avant qu’il sorte et referme la porte derrière lui, elle le vit porter sa tortilla à la bouche et en prendre une grande bouchée. Alors, il ferma la porte et partit. Trois minutes plus tard, Morgan mourut.




CHAPITRE NEUF


Jessie Г©tait frustrГ©e.

Elle savait qu’elle devrait probablement aller se coucher. Après tout, il était presque minuit et Ryan était chez lui ce soir. Pourtant, elle n’était pas fatiguée. Elle avait posé les dossiers des quatre affaires sur le lit. Tout en écoutant Hannah rire dans l’autre chambre en regardant un épisode de Top Chef, elle essayait de comprendre l’affaire.

Même si ces femmes avaient beaucoup de traits communs, il n’y avait pas assez de vraies similitudes et aucun mobile évident ne lui sautait aux yeux. Elles avaient toutes d’un peu moins de trente ans à environ trente-cinq ans. Elles appartenaient toutes au moins à la classe moyenne, parfois cossue, et habitaient dans de beaux quartiers. Cependant, elles n’avaient rien d’autre en commun.

Aucune d’elles n’habitait dans le même quartier de la ville. Aucune d’elles n’avait été trouvée près de l’endroit où elle avait été enlevée ou près des autres victimes. Trois d’entre elles étaient mariées, mais l’une d’elle, la victime la plus récente, ne l’était pas. Trois d’entre elles étaient blanches, mais la troisième victime, Jayne Castillo, était hispano-américaine. L’une d’elles avait des enfants, mais pas les trois autres. Deux d’entre elles travaillaient dans des bureaux, l’une d’elles avait une entreprise à domicile et la dernière était femme au foyer. Aucune n’avait de casier judiciaire.

Jessie voulait avoir quelque chose de positif à partager avec Morgan Remar quand elle la retrouverait le lendemain matin mais, pour l’instant, il n’y avait pas grand-chose. Elle espérait qu’une chose que Morgan lui dirait correspondrait peut-être à ce que Brenda Ferguson lui avait dit aujourd’hui.

Alors qu’elle se demandait si elle allait dire à Hannah qu’il était l’heure de se coucher, son téléphone sonna. C’était Ryan.

– Je te manque ? demanda-t-elle.

– Toujours, dit-il, mais ce n’est pas pour ça que je t’appelle. On vient de m’assigner une affaire. Decker veut que tu t’en charges avec moi. Je vais au poste. Est-ce que je peux te récupérer en route ? Je pourrai être là dans quinze minutes.

– Bien sûr, dit-elle en commençant déjà à ranger les dossiers de toutes les victimes. C’est quelle affaire ?

– Je ne sais pas encore grand-chose, juste qu’un homme a trouvé sa femme morte dans leur cuisine il y a moins d’une heure. Ils habitent à West Adams. Elle avait presque trente ans. Elle a été poignardée plusieurs fois dans le dos avant de mourir d’hémorragie externe.

– OK, dit Jessie. Je te retrouve devant dans quinze minutes. Ça me laissera le temps de prier Hannah d’aller dormir.

– Bonne chance.

– Merci. Comme elle regarde une émission de cuisine, je vais en avoir besoin.


*

Ils arrivèrent à la maison à minuit trente-cinq. La zone qui s’étendait autour de la maison était déjà bouclée et entourée par quatre voitures de police, une ambulance et une camionnette de médecin légiste.

Jessie et Ryan descendirent de leur voiture à un demi-pâté de maisons de distance et longèrent plusieurs manoirs vieux d’un siècle avant d’atteindre la scène de crime. Cette maison était grande et impressionnante, elle aussi, mais elle était en moins bon état que les autres. Dans la cour de devant, une bâche et un tas de bois de construction suggéraient que les propriétaires avaient essayé d’y remédier.

Ryan montra son badge et un policier en uniforme souleva le cordon de police pour qu’ils puissent passer dessous et aller à la porte d’entrée. Ils croisèrent l’agent Pete Clark, policier vétéran avec une boule à zéro grise et des bras de figurine de super-héros. Célèbre à la section pour être un homme qui va droit au but, il ne les déçut pas.

– Comment ça va, Pete ? demanda Ryan quand ils le croisèrent au perron.

– Alors que les Dodgers allaient entrer dans le treizième tour de batte, on m’a appelé, donc, je ne vais pas très bien. Cette affaire m’a gâché la soirée, en somme.

– Désolé que ce fichu meurtre t’ait empêché de regarder ta partie de base-ball, répondit Ryan avec une compassion de façade. Tu veux bien nous expliquer ce qui s’est passé ici ?

– Pas de problème, dit Clark, passant en mode professionnel sans s’offenser aucunement de l’ironie de Ryan. Suivez-moi.

Avant d’entrer dans la maison, Jessie prit le temps de rassembler ses pensées. Tout ce qu’elle allait voir pourrait devenir un indice qui lui permettrait de comprendre l’état d’esprit de l’assassin. Elle entra en écartant toute pensée de demi-sœurs troublées et de femmes enlevées. Quand Clark les emmena dans le hall en marchant lourdement sur le plancher affaissé et irrégulier, il les mit au courant.

– La victime est une femme de vingt-neuf ans, mariée, sans enfants. Son mari venait de la remmener de l’aéroport international de Los Angeles suite à une conférence qui avait eu lieu hors de la ville. Il est allé se doucher pendant qu’elle se préparait un en-cas. Quand il est sorti de la douche, il l’a trouvée morte sur le sol de la cuisine. Elle avait été poignardée onze fois dans le bas du dos. La nourriture était encore sur l’îlot de la cuisine, avec un économe couvert de sang. Elle tenait un couteau de boucher, mais il semble qu’elle n’ait pas eu la possibilité de s’en servir.

Ils arrivèrent dans la cuisine, où un autre agent leur donna des chaussons à mettre par-dessus leurs chaussures. Jessie vit la victime allongée face contre terre de l’autre côté de l’îlot. Elle avait la tête détournée d’eux, vers la porte. Elle avait un énorme plâtre sur la jambe gauche. Le plâtre était taché de sang.

– Au sol, nous avons trouvé des empreintes de bottes qui menaient à l’allée, ajouta Clark. Le mari dit qu’ils ne portaient jamais de chaussures dans la maison. Donc, les empreintes sont en cours d’analyse ; on n’a pas encore les résultats. L’équipe de la scène de crime dit aussi que la poignée de l’économe a été essuyée et qu’ils ne croient donc pas qu’ils vont pouvoir trouver quelque chose dessus.

– Qui est la victime ? demanda Ryan.

– C’est ça le plus fou, répondit Clark. C’est une des femmes kidnappées qui se sont échappées récemment. Elle s’appelait Morgan Remar.

Jessie tendit machinalement la main pour s’appuyer contre l’encadrement de la porte. Ryan se tourna vers elle, non moins choqué.

– En êtes-vous sûr ? demanda-t-il à Clark.

– Oui. Son mari nous a dit qu’elle se sentait finalement assez bien pour repartir travailler demain pour la première fois depuis son enlèvement. C’est vraiment une honte.

Quand elle fut sûre de pouvoir rester debout sans assistance, Jessie contourna l’îlot pour voir clairement le visage de la victime. Malgré le visage bleu pâle et les yeux marron vides et vitreux, Jessie reconnut la femme qu’elle avait vue sur les photos du dossier, même si ses cheveux marron clair étaient beaucoup plus courts maintenant parce qu’on les lui avait coupés à l’hôpital. C’était bien la femme qu’elle devait retrouver le lendemain.

– Y a-t-il des traces de vol ? demanda-t-elle doucement, étonnée d’entendre sa propre voix. A-t-on pris quelque chose ? Des objets de valeur ? Son sac à main ?

– Pour autant que nous sachions, rien, dit Clark.

– Où est le mari ? demanda Ryan.

– Il est dans la chambre. Il est vraiment secoué. Pour moi, il est sous le choc. Les médecins veulent l’emmener à l’hôpital, mais il ne veut partir que quand ils auront emmené le corps de sa femme. Il dit qu’il ne peut pas la laisser ici.

– Savons-nous s’il a un casier judiciaire ? demanda Ryan.

Jessie rГ©pondit avant que Clark ne le puisse.

– Il n’en a pas, dit-elle. Il a été arrêté pour une bagarre dans un bar près du campus quand il était étudiant de premier cycle à l’université de Californie à Los Angeles mais, plus tard, les poursuites ont été abandonnées.

– Comment le savez-vous, Hunt ? demanda Clark, stupéfait.

– Je fournis à une amie détective privée des services de consultant pour l’affaire d’enlèvement, dit-elle. En fait, j’ai lu le dossier de Morgan ce soir. Je sais tout sur le parcours scolaire des deux Remar, sur leur rencontre, je connais leur date de mariage et je sais combien de temps ils ont exercé leur profession. Je savais même qu’ils habitaient à West Adams. Pourtant, je n’avais pas fait le lien.

– Pourquoi l’aurais-tu fait ? demanda Ryan. Je veux dire, il y avait combien de chances que ce soit la même victime ?

– C’est à creuser, marmonna Jessie plus pour elle-même que pour Ryan.

– Que dites-vous ? lui demanda Clark d’un air sceptique. Celui qui l’a kidnappée serait revenu finir le boulot ? Ça ne ressemble pas à son mode opératoire, d’après ce que j’ai vu.

– Vous avez raison, admit Jessie. Ça n’y ressemble pas. Cela pourrait n’être qu’une coïncidence, une terrible malchance.

– Ou alors, ajouta Ryan, c’est peut-être que M. Remar a décidé de profiter de la situation pour se débarrasser de sa femme. Avec son enlèvement, il aurait eu le moyen idéal de faire accuser quelqu’un d’autre. Nous devrions lui parler avant qu’il ait le temps de se remettre.

– Allez-y, dit Clark. Le corps ne sera pas emporté avant au moins vingt minutes. Comme il ne veut pas bouger avant ce moment-là, ça vous donne l’occasion idéale.

Il les emmena vers la chambre principale, où Ari Remar était assis sur le rebord du lit, voûté, la tête dans les mains. Il perdait ses cheveux et avait décidé de ne pas le cacher mais tout simplement de se faire raser la tête ; il lui restait donc un tout petit peu de cheveux au sommet et à l’arrière de la tête. Il avait l’air fragile et pitoyable dans son tee-shirt blanc et son short, les vêtements qu’il avait apparemment mis après s’être douché.

Jessie l’imagina entrer dans la cuisine en espérant convaincre sa femme de venir au lit après une longue journée au cours de laquelle elle avait essayé de se détendre pour pouvoir repartir travailler pour la première fois le lendemain. Cependant, soudain, une autre image lui vint en tête, une image qu’elle ne pouvait pas ignorer. Elle se tourna vers Clark.

– Est-ce que quelqu’un a vérifié la douche ? demanda-t-elle.

– Que voulez-vous dire ? demanda-t-il.

– Est-ce que l’équipe de la scène de crime a vérifié s’il y a des résidus de sang dans le bac de la douche, dans la grille d’évacuation ou dans les tuyaux dessous ?

– Je vais voir, dit Clark.

– Je vous en prie, insista-t-elle. Je suppose qu’ils vont aussi vérifier la poubelle pour voir s’il y a des vêtements tachés dedans.




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